Bahdja Rahal, l'unique femme à avoir eu le courage de pénétrer l'univers andalou, un univers réservé exclusivement aux hommes, a donné deux spectacles mémorables durant ce ramadhan. Le premier s'est déroulé le 17 septembre dernier au théâtre de verdure sur invitation de l'établissement arts et culture de la wilaya d'Alger, et le second a eu lieu ce dimanche au Palais de la culture Moufdi Zakaria. L'un comme l'autre concert a eu son propre public, des quinquagénaires qui goûtaient en silence à ces quacidates d'une force étonnante qui se chantaient déjà au XIème siècle dans les jardins des chaumières huppées, sous l'odeur des jasmins et les lauriers roses. Le décor a changé. La musique savante ou la musique andalouse ne se chante plus dans les jardins des princes, mais dans une salle populaire. Signe de la démocratisation de cette musique “pure” qui témoigne de la riche civilisation andalouse encore préexistante dans notre Cité. Comme toujours, la chanteuse qui a fait un travail colossal pour sauvegarder et préserver les 12 des 24 noubate restantes s'est présentée, ce dimanche, sur la scène du Palais de la culture avec son kouiyet et son luth à la main. Elle était accompagnée de Djamel Kallaj, au violon, Amine Belouni à l'oûd, Djihad, Rabah et Sofiane à la percussion. Messe extraordinaire que fut ce rendez-vous où les récits lointains furent racontés d'une voix chaude et suave qui venait d'un temps où les gens s'écoutaient inlassablement autour de proses. Une foule nombreuse s'est déplacée pour aller à la rencontre de la hardie Bahdja Rahal qui a pu pénétrer dans l'univers destiné autrefois que pour les hommes qu'on considérait, comme plus aptes à composer et interpréter une musique pure et savante. Ces deux concerts étaient inscrits dans le cadre du programme spécial Ramadhan, tracé par les responsables des deux offices culturels respectifs, le Palais de la culture et le Théâtre de verdure. Luth à la main, elle a salué l'assistance et les musiciens qui l'accompagneront tout au long de la soirée. Durant plus de deux heures, l'artiste a réussi à captiver une assistance déjà acquise aux sons et à la voix de la désormais star du genre. Youyous et applaudissements pour celle qui tente avec acharnement de donner le plus authentique de cette musique inscrite dans sa carrière et dans son sang comme le destin. Depuis l'an 1995, la chanteuse qui avait entamé en cette date le travail colossal de sauvegarder le patrimoine musical arabo-andalou sous l'œil vigilant du maître, Ahmed Serri, ne s'est pas arrêtée. La chanteuse a présenté il y a quelques mois un nouvel album dans le mode Raml. Ce dernier qui entre dans le cadre de l'enregistrement des 12 noubate restantes –il y en avait 24 au départ-, fait partie de sa deuxième série de noubate. A l'origine, il existait 24 noubate, chacune composée dans un mode défini. Il n'en reste actuellement plus que 11 au Maroc, 16 en Algérie (dont 4 inachevées) et 13 en Tunisie. Chaque nouba correspondait à une heure de la journée et se divisait en une suite de plusieurs pièces de rythmique différente. En général, les mouvements de la nouba s'enchaînent en accélérant progressivement le tempo, jusqu'à la dernière pièce, plus lente, destinée à l'apaisement. La dernière nouba que Bahdja Rahal avait enregistrée comporte huit titres, dont un istikhbar Zidane tiré de la poésie d'Ibn Zeydoun et un betaïhi Raml inédit. L'artiste a rappelé lors d'une rencontre avec la presse qu'elle a déjà achevé sa première série de 12 noubate, précisant que ce nouvel album est le quatrième, après ceux dans les modes Mezmoum, Rasd et Zidane de la deuxième série de noubate entamée en 2005.