Beihdja Rahal continue de fouiner dans le patrimoine lyrique andalou pour sauver de l'oubli les quelques noubate restantes d'un riche répertoire qui malheureusement, au fil du temps s'est évaporé faute de transcription. La femme interprète la plus populaire dans le style andalou a annoncé ce lundi à la salle El Mouggar lors d'une conférence de presse, la signature de sa dix neuvième nouba sur le mode Ghrib. Il lui a fallu sept mois de travail acharné pour parapher cet album contenant une dizaine de chansons mais aussi des exclusivités. On trouve dans cet opus des titres comme Inqilab djaharka: Hal saqat-ni r-raha, M'saddar ghrib: khadem li sa'di, Btayhi ghrib: Narak ya man radita bi-hidjri, Khlas ghrib: Laysa li fi d-dounya, ou encore Insiraf ghrib, ya man la'ibat bi-hi sh-shamoûlou. Selon elle, l'exécution d'une nouba nécessite beaucoup de concentration et représente le genre qui la passionne le plus. " Il n'est pas facile d'interpréter une nouba car ça nécessite beaucoup de concentration pour le chanteur comme pour les musiciens. Même si j'aime les styles hawzi et aâroubi que j'interprète souvent dans les concerts que j'anime, la nouba reste le genre qui me passionne le plus", a indiqué Beihdja Rahal. Pour cette artiste, les dérivés de la musique andalouse "ne sont pas exposés au risque de disparition comme c'est le cas pour les noubas, dont la moitié s'est perdue avec le temps". Autre nouveauté, Beihdja Rahal vient de créer avec ses amis, il y a quelques mois, "Rythme harmonie", une association de musique andalouse. "Cette association ouvrira ses portes en septembre 2010, il y aura deux enseignants, moi-même pour la nouba et Nasreddine Chaouli pour le hawzi", affirmera-t-elle. Elle fêtera aussi la sortie de ce nouvel album avec une tournée lyrique qui sera entamée ce jeudi à la salle El Mouggar, puis elle ira chanter dans quelques arènes du centre et de l'est du pays comme Djelfa, Bouira ou Biskra. Le Sud, elle aimerait bien y aller, " mais ça dépend des organisateurs " fera-t-elle remarquer. Une hardie chanteuse Ce qu'il ne faut jamais oublier, c'est que Beihdja Rahal, fut l'une des premières femmes à avoir eu le courage de pénétrer l'univers andalou, un monde réservé exclusivement aux hommes. Car la musique andalouse, un genre savant, se chantait dans les jardins des princes et non pas dans une arène populaire. Les choses ont maintenant changé certes, mais il fallait que quelqu'un ose le faire. C'est aussi un signe de la démocratisation de cette musique "pure" qui témoigne de la riche civilisation andalouse encore préexistante dans notre Cité. La chanteuse qui a fait un travail colossal pour sauvegarder et préserver les 19 des 24 noubate restantes s'est présentée, déconstruisant par ce labeur, même l'idée selon laquelle les hommes sont mieux placés pour composer et interpréter une musique pure et savante. Depuis 1995, la chanteuse qui avait entamé en cette date le travail colossal de sauvegarder le patrimoine musical arabo-andalou sous l'œil vigilant du maître, Ahmed Serri, ne s'est pas arrêtée. La chanteuse a présenté il y a deux ans un album dans le mode Raml. Ce dernier qui entre dans le cadre de l'enregistrement des noubate restantes -il y en avait 24 au départ-, fait partie de sa deuxième série de noubate. A l'origine, il existait 24 noubate, chacune composée dans un mode défini. Il n'en reste actuellement plus que 11 au Maroc, 16 en Algérie (dont 4 inachevées) et 13 en Tunisie. Chaque nouba correspondait à une heure de la journée et se divisait en une suite de plusieurs pièces de rythmique différente. En général, les mouvements de la nouba s'enchaînent en accélérant progressivement le tempo, jusqu'à la dernière pièce, plus lente, destinée à l'apaisement. La dernière nouba que Beihdja Rahal avait enregistrée comporte huit titres, dont un istikhbar Zidane tiré de la poésie d'Ibn Zeydoun et un betaïhi Raml inédit.