Le Fonds monétaire international a publié vendredi une note de recherche dans laquelle ses économistes conseillent d'envisager des limites aux entrées de capitaux, si la stabilité d'un pays est en jeu. "Il peut y avoir des circonstances dans lesquelles les contrôles des capitaux sont une composante légitime de la politique économique en réaction à des accès d'afflux de capitaux", indique cette note de six économistes du Fonds. Le FMI a précisé, comme à chaque fois avec ce type de recherche, que ce point de vue n'était pas nécessairement celui de l'institution dans son ensemble, mais des auteurs. "Beaucoup d'économies émergentes sont inquiètes du fait que l'accès récent puisse poser des problèmes" comme des bulles spéculatives, des retournements brusques de conjoncture ou l'inflation, ont relevé les auteurs, citant les débats récents à Taïwan et au Brésil. Pour eux, le contrôle des capitaux n'est souhaitable que dans certaines circonstances bien définies. "Si l'économie a une activité proche de son potentiel, si le niveau des réserves est adéquat, si le taux de change n'est pas sous-évalué, et si les flux ont des chances d'être transitoires (...) alors l'usage du contrôle des capitaux se justifie comme l'un des outils politiques disponibles", d'après ces économistes. Avant d'en arriver là, ils conseillent de laisser la monnaie se réévaluer, d'accroître les réserves, d'adapter la politique budgétaire et monétaire, et de renforcer les règles contre les risques financiers excessifs. Les économistes du FMI soulignent par ailleurs que les investissements étrangers comportent des menaces plus ou moins élevées en fonction de leur nature. "Les afflux de capitaux, en particulier certains types de passifs, peuvent rendre un pays plus vulnérable à une crise financière", souligne la note, considérant la dette comme plus dangereuse potentiellement que l'achat d'actions. Le FMI a également rappelé que les pays mettant en place de telles limites devaient examiner les conséquences sur leurs voisins, et que la multiplication d'initiatives en ce sens menacerait la stabilité de l'économie mondiale. Ces nouvelles positions, comme l'a relevé le Wall Street Journal, constituent un changement de position par rapport au dogme de l'institution qui défend traditionnellement la libre fluctuation des changes. "Le débat n'est pas entièrement nouveau, il avait déjà été posé lors de crises précédentes. Mais il est vrai que le FMI semble ainsi faire un peu machine arrière", note Christian de Boissieu, président du conseil d'analyse économique. L'évolution "doctrinale" tombe en tout cas à point nommé. Les économistes du FMI reconnaissent que les capitaux "temporaires", qui arrivent dans ces pays en raison des différentiels de taux d'intérêt, posent problème. Car ces capitaux opportunistes reflueront quand les taux des pays développés retrouveront des niveaux plus normaux. "Par cette note, les économistes du FMI légitimisent l'attitude de plusieurs pays émergents. Ils reconnaissent que le contrôle des changes peut permettre de stabiliser une économie, à condition qu'il soit d'une durée limitée", analyse Patrice Gautry, économiste à l'Union bancaire privée. En effet, les pays émergents dont les économies sont devenues plus vertueuses que les nôtres sont confrontés à des afflux de capitaux. Ce qui peut déboucher sur la formation de bulles sur les changes ou, comme en Asie et notamment à Hongkong, dans l'immobilier. La vigueur de ces pays attire les investisseurs. "Cette année, la croissance des pays émergents pourrait atteindre 6 % alors qu'elle devrait être comprise entre 1 et 1,5 % dans la zone euro", indique Patrice Gautry. Selon le Wall Street Journal, 722 milliards de dollars devraient être investis dans ces pays en 2010, soit 66 % de plus qu'en 2009 (mais moins qu'en 2007). Des capitaux attirés par les rémunérations plus attractives dans ces économies. "Les investisseurs obtiennent un rendement de 8,75 % sur le real brésilien, alors qu'aux États-Unis le taux des fed funds est proche de zéro", explique Patrice Gautry. Devant ces monceaux d'argent susceptibles de déstabiliser leur économie, certains pays ont réagi en mettant des barrières à l'entrée des capitaux. C'est le cas récemment du Brésil, qui a institué une taxe pour freiner l'envolée de sa monnaie. "C'est une manière de contenir les bulles dans les pays émergents", conclut Christian de Boissieu.