Véritable curiosité. La musique andalouse que des noms tels Beihdja Rahal, et Sid Ahmed Serri se tuent depuis des années pour la sauver de l'oubli – Beihdja Rahal a déjà enregistré une dizaine de noubates restantes du patrimoine andalou- les spécialistes du domaine dont elle-même estiment que cette transcription n'est pas nécessaire. “La transcription de la musique classique algérienne représente un moyen de sauvegarde important mais n'est pas aussi nécessaire, en raison de la principale méthode d'initiation de cette musique qui demeure orale ” soutiennent les spécialistes. Ces musiciens et interprètes qui se sont entretenus avec l'APS, ont expliqué que la transcription de ce genre musicale était importante puisque celle-ci contribue “ à sa sauvegarde ”, mais l'efficacité de “son transfert oral, étant donné que le musicien peut ajouter des notes musicales ou apporter certaines modifications aux partitions musicales, l'est également” raisonnent –ils encore. Pour l'interprète de musique “ sanâa ” (école algéroise), Beihdja Rahal, “ la transcription de la musique classique algérienne en partitions musicales “ ne peut pas dénaturer ce patrimoine”, ajoutant que la transcription devient, actuellement, “ indispensable et importante à la fois ”. Cette interprète qui a sauvé de l'oubli et de la disparition une bonne dizaine de noubates –qu'elle enregistre depuis 1992- ajoutera que la transcription représente, notamment, “ un aide-mémoire ”, précisant toutefois que la “ principale méthode d'initiation de ce genre musical reste la transmission orale des maîtres vers leurs élèves ”. L'artiste Beihdja a ajouté que “ les cours de solfèges sont désormais une nécessité pour les personnes qui poursuivent des cours de musique andalouse au niveau des associations spécialisées même si, a-t-elle encore souligné, “ la principale méthode d'enseignement de cette musique est l'oralité”. L'artiste précisera que dans le cas où cette méthode serait remplacée par une autre, comme celle de l'utilisation des supports audio, la musique andalouse sera dénaturée ”, a-t-elle averti. “La particularité de la musique andalouse réside dans le fait qu'elle demeure encore transmise oralement, c'est une méthode appelée à être sauvegardée ”, a ajouté Beihdja, précisant que la transcription est une “ deuxième méthode ” de sauvegarde de ce patrimoine. Pour elle, la transcription n'est pas “ primordiale ” pour la musique classique algérienne, mais elle représente, toutefois, “ un moyen de plus pour sa protection contre l'oubli ”, a-t-elle conclu. De son coté le directeur de l'Orchestre symphonique national,Abdelkader Bouazzara, a estimé que “ la transcription est une très importante méthode pour revaloriser le patrimoine musical algérien sous sa forme symphonique afin de lui donner une dimension universelle ”. Bouazzara a indiqué, à cet égard, que plusieurs musiques tirées du terroir, célèbres par leur richesse en rythmes et en mélodies, ont été habillées d'un tissu universel grâce à des arrangements réalisés par des musiciens nationaux, pour démontrer que la musique algérienne peut être jouée par tous les orchestres du monde ”. Il précisera que “ grâce à la transcription et, notamment, à la collaboration de l'artiste du genre andalou Mokdad Zerrouk, l'orchestre symphonique national a pu jouer sur scène deux noubas, l'une dans le mode “ sika ” l'autre dans le “ rasd edil ”, affirmant son ambition de continuer ce travail pour, a-t-il dit, “ harmoniser d'autres œuvres du patrimoine andalou ”. “La transcription ne touche pas à l'âme de la musique classique algérienne. Elle garde l'aspect musical originel de ce patrimoine célèbre par sa transmission orale et contribue d'une manière assez importante à sa sauvegarde ”, a souligné M. Bouazzara. Pour sa part, l'ancien professeur de musicologie à l'université d'Amsterdam (Pays-Bas), Léo Plenckers, a estimé que la transcription ou la notation musicale, comme moyen de transfert de connaissances musicales, “ n'est pas forcément plus efficace que le transfert oral et traditionnel ”. “ La transcription musicale est surtout un moyen pratique dans le discours musicologique afin de référer certains aspects et endroits d'une composition ”, a-t-il ajouté en réponse à des questions par courrier électronique. Il a fait savoir que la notation musicale est généralement utilisée comme “ un moyen de communication qui permet au compositeur de fixer ses idées musicales afin de les faire jouer par d'autres musiciens ”. Considérant une composition musicale comme étant une “ recette de cuisine ” qui n'empêche pas le musicien d'y ajouter quelques informations non mentionnées, Plenckers a reconnu que cette “ dualité ” entre compositeur et joueur n'existe pas dans la musique “ sanâa ”, étant donné que le transfert de connaissances musicales s'y fait oralement. Il n'a pas écarté l'idée que la transmission orale rencontre “ de plus en plus de difficultés ”, soulignant l'importance pour les gens du domaine d'en trouver les causes et essayer de les surpasser. Cela dit, la préservation orale sur la base d'un chant “juste et authentique ” serait meilleure qu'une simple transcription sur papier.