"Il y a quelques mois encore, si quelqu'un s'était aventuré à prédire que le prix du lait allait doubler en un an, on l'aurait sans doute pris pour un fou", raconte un grand exportateur néo-zélandais. C'est pourtant ce qui s'est produit sur un marché où il n'y a pas si longtemps, deux ans à peine, on réfléchissait en Europe sur le moyen de casser la surproduction. La défaillance de la production australienne affectée par la sécheresse a provoqué l'envolée des prix. Au départ, en Europe du Nord la tonne de poudre de lait valait 2 615 dollars il y a un an, il faut débourser près du double aujourd'hui, soit 4 890 dollars, pour la même quantité. La hausse exceptionnelle des prix du lait concerne les produits échangés sur le marché mondial, c'est à dire la poudre de lait et le beurre destinés essentiellement pour en faire du yaourt, de la crème glacée, des biscuits ou du chocolat. Les géants de l'industrie agroalimentaire ont été les premiers à s'émouvoir de cette hausse brutale. Si la hausse du lait compromet leurs résultats financiers, elle est autrement plus douloureuse pour les pays non producteurs qui dépendent fortement des importations pour leur consommation courante. Les industriels, en sécurisant leurs approvisionnements, font grimper les prix et, surtout, ôtent des disponibilités pour les pays bien en peine de se couvrir. Benoît Rouyer, responsable du suivi des produits laitiers à Ubifrance, s'interroge sur les capacités d'importation de l'Afrique subsaharienne dans un avenir proche. L'Algérie, précise-t-il, a déjà décidé de subventionner ses achats pour éviter que les prix dérapent dans le commerce de détail. Car vu la faiblesse actuelle de l'offre, les prix seront soutenus pendant de longs mois. Dans l'Union européenne, devenue un acteur secondaire sur le marché, la baisse de la production laitière disponible à l'exportation, est patente depuis un an. D'autre part les agriculteurs ne remplissent même plus les quotas alloués par Bruxelles, la priorité a été donnée au développement des fromages au détriment des poudres et du beurre qui ont, pendant si longtemps, encombré les silos de Bruxelles. Résultat: il ne reste pas un gramme de poudre en stock, et du beurre en quantité négligeable. "Avec la disparition des mécanismes de soutien, les amplitudes à la hausse ou à la baisse sont beaucoup plus fortes" prévient Benoît Rouyer. Plus que jamais, le marché du lait se retrouve aujourd'hui à la merci des aléas climatiques et économiques.