La Russie a sauvé l'Europe de l'invasion des Mongols venant de l'est - les historiens russes en parlaient déjà au XIXe siècle - et, aujourd'hui, les journalistes chinois affirment que la Russie a stoppé l'avancement de l'Occident vers l'est, a écrit hier le quotidien russe Nezavissimaïa gazeta. Même si officiellement Pékin reste neutre, les militaires chinois approuvent les actes du Kremlin. Les experts, eux, pensent que la crise ukrainienne a profité à la Chine. Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Y a appelé hier à respecter le cessez-le-feu et le règlement politique de la crise en Ukraine. Il a souligné qu'il était nécessaire de "mener un dialogue intégrant les divers groupes ethniques et régions du pays". "Un dialogue doit également être instauré entre l'Ukraine et ses voisins, notamment la Russie", a-t-il jugé. Plus tôt, un porte-parole du ministère avait approuvé les propositions de paix du président russe Vladimir Poutine. La Chine serait alors du côté de la Russie? Voici ce que pense le sinologue Iakov Berguer, expert à l'Institut de l'Extrême-Orient à l'Académie des sciences de Russie, de la politique de Pékin sur la question ukrainienne. "Comme avec la Géorgie, la ligne de Pékin consiste à se ranger moralement du côté de la Russie. Mais officiellement, légalement, les Chinois ne soutiennent aucune partie et conservent de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu'avec l'Ukraine, notamment avec ceux qui la soutiennent comme les Etats-Unis et l'Europe. C'est une politique très pratique pour Pékin qui lui apporte un gain moral, politique et économique significatif", estime l'expert. La partie informelle de sa ligne politique est tout de même encline à approuver la position russe. Par exemple un colonel, professeur à l'Institut national de la défense qui forme des chefs militaires, ne cache pas que la position déterminée de Poutine lui plaît tout particulièrement. Et étant donné que les Chinois, comme les Russes, ne sont pas très préoccupés par les aspects juridiques du problème, ils s'intéressent davantage aux intérêts réels de l'Etat, tandis que les nuances concernant le droit international passent au second plan. Le plus important, pour eux, est la fermeté. Et que la Russie cesse d'être un "pays offensé et affiche son droit de parole". Cette opinion est très répandue parmi les experts. L'Occident assimile la signature d'un accord gazier russo-chinois sur 30 ans à la crise. C'est un événement crucial. Difficile à dire à qui il profite le plus, mais l'avantage économique pour la Chine est flagrant. "Pour l'instant les Chinois ne détériorent pas leurs relations avec l'Occident, bien qu'ils avancent fermement leurs revendications territoriales en mer de Chine méridionale et orientale. Et le moment est opportun. Comme l'attention des USA est transférée sur l'Europe, c'est l'occasion de marquer des points dans sa propre région. D'après moi, la Chine est arrivée à la conclusion que les USA se sont affaiblis. Ils ne peuvent pas remplir le rôle de leader mondial ou de gendarme du monde. Par conséquent, c'est le moment idéal pour parvenir doucement et tranquillement à ses objectifs", estime Iakov Berguer. Jusqu'où la Chine est-elle prête à aller, prendra-elle l'exemple de la Russie? Tout dépendra de la réaction des acteurs des litiges territoriaux, conclut l'expert.