Vladimir Poutine, qui s'est imposé au coeur des débats, et Barack Obama, en quête d'une stratégie, se sont retrouvés, hier, à New York, dans un tête-à-tête très attendu pour aborder l'épineux dossier syrien. Les présidents russe et américain, qui s'exprimeront à quelques minutes d'intervalle à la tribune de l'ONU, une première rencontre officielle depuis plus de deux ans. Tenu à l'écart par l'Occident en raison du conflit ukrainien, M. Poutine s'est spectaculairement replacé au centre du jeu sur la Syrie, déchirée par la guerre civile depuis quatre ans et demi. Au moment où la Russie augmentait sensiblement sa présence militaire en Syrie, déployant des troupes et des avions dans un des fiefs du régime, il a annoncé qu'il cherchait à mettre en place avec les pays de la région "une plateforme commune" contre les jihadistes ultra-radicaux du groupe Etat islamique (EI). Prise de court par l'offensive diplomatique russe, la Maison Blanche affirme qu'il serait "irresponsable" de ne pas tenter la carte du dialogue avec le chef du Kremlin, et revendique avec ce dernier une approche pragmatique, au cas par cas. "Nous observons les actes, pas seulement les mots", souligne Ben Rhodes, proche conseiller de M. Obama. "Sur l'Ukraine, les actes ont rarement suivi les mots. Mais sur le dossier nucléaire iranien, la Russie a tenu ses engagements et joué un rôle constructif".
L'exercice s'annonce toutefois délicat pour Washington "Nous sommes juste en train de commencer à essayer de comprendre quelles sont les intentions de la Russie en Syrie et en Irak, et d'essayer de voir s'il y a des moyens de trouver une issue bénéfique", a reconnu un haut responsable du département d'Etat américain. Exploitant les tergiversations occidentales sur le sort du président syrien Bachar al-Assad, Moscou martèle que soutenir ce dernier est le seul moyen de mettre un terme à une guerre qui a déjà fait plus de 240.000 morts. Les Etats-Unis réclament depuis des années le départ du président syrien. Mais ils ont récemment assoupli leur position: il y a une semaine, le secrétaire d'Etat John Kerry concédait que le calendrier de la sortie de M. Assad était négociable.
30.000 jihadistes étrangers Washington ainsi qu'une soixantaine de pays européens et arabes sunnites pilotent depuis un an une coalition militaire qui frappe des bastions de l'EI en Syrie et en Irak. Mais toutes ces opérations militaires n'ont pas empêché l'organisation jihadiste de consolider ses positions, ni ruiné son pouvoir d'attraction: près de 30.000 jihadistes étrangers se sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2011, selon des responsables du renseignement américain cités par le New York Times.
Quelle sera la tonalité de la rencontre entre MM. Obama et Poutine ? "Je ne m'attends pas à une hostilité déclarée", répond Josh Earnest, porte-parole du président américain. "Mais il y a des sujets sérieux que les Etats-Unis et la Russie doivent aborder", ajoute-t-il, assurant que M. Obama "n'hésitera pas un instant à soulever nos réelles inquiétudes sur l'attitude de la Russie en Ukraine et ailleurs dans le monde". Cette journée d'intense activité diplomatique à New York sera aussi marquée par le discours du président iranien Hassan Rohani à la tribune de l'ONU, son premier depuis la conclusion en juillet à Vienne d'un accord sur le programme nucléaire de Téhéran. Ce dernier a évoqué pour la première fois un possible échange de prisonniers avec Washington, qui verrait la libération d'Iraniens détenus aux Etats-Unis contre celle d'Américains incarcérés en Iran, dont un journaliste du Washington Post. Le président François Hollande s'exprimera lui aussi devant les dirigeants du monde entier au lendemain de la première frappe française contre un camp d'entraînement de jihadistes de l'EI près de Deir Ezzor, dans l'est de la Syrie. Le chef de l'Etat français devrait aussi lancer un appel à la mobilisation sur le climat, à l'approche de la conférence de Paris qui vise à conclure un accord mondial pour enrayer la hausse de la température de la planète.
Obama dévoile la cause des conflits armés dans le monde Selon le président américain, plusieurs conflits armés survenus dans le monde ces dernières années sont liés au manque général d'éducation. Plusieurs interventions militaires auraient pu être évitées si les Etats investissaient plus dans l'éducation de leurs citoyens, estime le chef de la Maison Blanche. "Cette absence de développement, lorsque les gens n'ont pas accès à l'éducation et à l'emploi, lorsqu'ils n'ont pas d'espoir et que leur dignité humaine est humiliée, contribue à attiser les conflits, les tensions et l'instabilité dans le monde", a expliqué M.Obama. Le dirigeant US a promis de poursuivre sa lutte pour le développement de l'éducation et la création de nouveaux emplois aux Etats-Unis et dans le monde entier après son départ du poste présidentiel prévu en 2016. Dans le même temps, il a dévoilé l'intention du gouvernement US de débloquer 300 millions de dollars pour la lutte contre le sida en Afrique. Evoquant la crise migratoire qui affecte l'Europe, M.Obama a appelé à apporter toute l'assistance nécessaire aux réfugiés affluant sur le continent.
La France prête à discuter du conflit syrien avec les USA, la Russie et l'Iran Entre autres, la France est prête à discuter du règlement du conflit avec toutes les parties, y compris les Etats-Unis, la Russie, l'Iran, a déclaré le président français François Hollande à New York. Six appareils, dont cinq Rafale, de l'armée française effectuent leurs premières frappes et ont détruit un camp d'entraînement de l'Etat islamique à Deir ez-Zor, dans l'est de la Syrie, au nom de la "légitime défense", a annoncé François Hollande. La France "a frappé en Syrie" dans le "respect de son autonomie d'action", grâce à des "informations fournies par la coalition", ainsi que suite aux renseignements collectés lors des vols de reconnaissance aérienne conduits depuis plus de deux semaines, lit-on dans un communiqué de l'Elysée. La position de la France est de discuter de cela avec toutes les parties concernées, surtout avec les voisins de la Syrie, des pays arabes mais également les Etats-unis, la Russie et l'Iran. Nous n'écartons personne", a souligné le président français lors d'un briefing à l'ONU. Le conflit armé qui ravage la Syrie depuis le mois de mars 2011 a fait, selon les estimations de l'Onu, plus de 220.000 morts. Les forces gouvernementales combattent les brigades armées de l'opposition anti-Assad et les groupes terroristes de l'Etat islamique et du Front al-Nosra.