Les cours du pétrole ont monté jeudi, profitant à la fois d'un affaiblissement du dollar et d'éléments relançant les espoirs d'une bonne application de plusieurs accords de baisse de l'offre entre grands producteurs. Le cours du baril de "light sweet crude" (WTI), référence américaine du brut, a gagné 76 cents à 53,01 dollars sur le contrat pour livraison en février au New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le prix du baril de Brent de la mer du Nord a avancé de 91 cents à 56,01 dollars le baril sur le contrat pour livraison en mars à l'Intercontinental Exchange. "On continue à réagir à l'annonce d'une baisse de la production en Arabie saoudite", a mis en avant Andy Lipow, de Lipow Oil Associates. Les actions de Ryad sont particulièrement surveillées, car c'est le membre dominant de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et le principal promoteur en son sein d'accords entrés en vigueur ce mois-ci sur une baisse concertée de l'offre entre pays producteurs. Or, jeudi, "le ministre de l'Energie Khaled al-Faleh a déclaré à la presse que la production était passé sous les 10 millions de barils par jour", en deçà de ses objectifs fixés par l'accord de limitation de la production, a expliqué Michael Hewson, de CMC Markets. Les déclarations du ministre saoudien, qui s'est plus largement dit optimiste sur la perspective d'une stabilisation du marché pétrolier, sont de nature à rassurer le marché sur une bonne application des accords conclus par l'Opep, qui concernent non seulement ses propres membres mais aussi des pays extérieurs comme la Russie. Spéculations A ce titre, les cours ont "aussi profité d'annonces de l'Irak et de la Russie qui ont chacun dit abaisser leur production pour respecter les termes des accords", a rapporté M. Lipow. "Le marché s'attend à ce qu'il y ait moins de pétrole disponible lors des prochains mois et cela soutient les cours." Le gouvernement russe a rapporté que la production du pays diminuait plus que ce qu'avaient prévu les compagnies pétrolières, tandis que l'Irak, qui avait inquiété le marché en début de semaine par le niveau élevé de ses exportations, a assuré qu'il respectait les termes de l'accord en matière de production. Autre élément notable jeudi, "le dollar s'affaiblit beaucoup (...), ce qui contribue à soutenir les cours du pétrole", a remarqué Bob Yawger, de Mizuho Securities. L'affaiblissement du billet vert, qui perd notamment du terrain face au manque de précisions apportées la veille par le futur président américain Donald Trump lors d'une conférence de presse, est susceptible de profiter aux cours pétroliers car ils sont libellés en dollars et deviennent donc moins coûteux pour les opérateurs utilisant d'autres devises. Au final, beaucoup d'observateurs relativisent les mouvements des cours en mettant en avant le côté actuellement très spéculatif du marché pétrolier: il enregistre de fortes fluctuations depuis le début de la semaine mais se trouve finalement proche du niveau auquel il était avant le week-end. "Beaucoup d'investisseurs spéculatifs placent des paris en hausse sur le marché", a conclu M. Yawger. Recul en Asie Les cours du pétrole reculaient en Asie jeudi après avoir connu un net rebond la veille, les inquiétudes sur l'appétit pour le brut aux Etats-Unis reprenant le dessus. Vers 03h00 GMT, le baril de light sweet crude (WTI), référence américaine du brut, pour livraison en février, reculait de huit cents à 52,17 dollars dans les échanges électroniques en Asie. Le prix du baril de Brent, référence européenne, pour livraison en mars, perdait trois cents à 55,07 dollars. "Les cours du pétrole ont connu une bonne remontée. Mais ce matin, la hausse plus forte qu'attendue des (stocks de brut américain) a probablement signé le coup d'arrêt de cette poussée", a déclaré Jingyi Pan, analyste chez IG Markets à Singapour. Les réserves et la production de pétrole avancent Les stocks de pétrole brut ont nettement monté la semaine dernière aux Etats-Unis, dépassant les attentes sur le sujet, et la production a franchement accéléré, selon des chiffres publiés mercredi par le département de l'Energie (DoE). Lors de la semaine achevée le 6 janvier, les réserves commerciales de brut ont augmenté de 4,1 millions de barils, à 483,1 millions au total, alors que les analystes interrogés par l'agence Bloomberg ne tablaient de façon médiane que sur une avancée de 1,5 million. La hausse annoncée par le DoE est aussi de plus grande ampleur que celle des estimations privées de la fédération American Petroleum Institute (API), publiées comme chaque semaine à la veille des chiffres officiels. A ce niveau, les réserves américaines commerciales de brut s'inscrivent en hausse de 7,1% par rapport à la même époque de l'an passé et se placent à la limite supérieure de la fourchette moyenne à cette période. Le DoE a aussi fait part d'une progression de 5 millions de barils des réserves d'essence, alors que les experts compilés par Bloomberg ne tablaient que sur une hausse de 2,75 millions. Elles n'affichent cependant qu'une stagnation par rapport à la même époque de l'année précédente, tout en se situant à la limite supérieure de la fourchette moyenne à cette période. De leur côté, toujours selon les chiffres du DoE, les réserves de produits distillés (fioul, kérosène, gazole) ont bondi de 8,4 millions de barils, les experts de Bloomberg ne s'attendant qu'à une avancée de 2,6 millions. Elles enregistrent une hausse de 2,7% par rapport à la même période de l'an passé et restent au-dessus de la limite supérieure de la fourchette moyenne à cette époque de l'année. Les raffineries accélèrent Très surveillée par les analystes, la production américaine a bondi de 176.000 barils par jour (bj) à 8,946 millions de bj. Les réserves de brut du terminal de Cushing (Oklahoma, Sud), également scrutées de près puisqu'elles servent de référence à la cotation du pétrole à New York, ont, en revanche, reculé de 600.000 barils à 66,9 millions. Toutes catégories confondues, les stocks pétroliers et gaziers américains ont avancé de 13,4 millions de barils. Les raffineries américaines ont nettement accéléré la cadence, fonctionnant à 93,6% de leurs capacités contre 92,0% la semaine précédente. Du côté de la demande, sur les quatre dernières semaines, les Etats-Unis ont consommé en moyenne 19,5 millions de bj de produits pétroliers, soit une hausse de 1,3% par rapport à la même période de l'année précédente. La demande d'essence a augmenté de 0,7% et celle de produits distillés de 7,5% pendant la même période, dans les deux cas sur un an. La Russie réduit sa production "plus que prévu" La Russie réduit sa production de pétrole "plus que prévu" par ses compagnies pétrolières dans le cadre de l'accord de baisse de l'offre signé en décembre avec les grands pays exportateurs, a indiqué jeudi le ministre de l'Energie Alexandre Novak. "La Russie remplit ses obligations", a indiqué M. Novak, cité par les agences russes. "Dans l'ensemble, on peut dire que nous avons plus diminué dans les dix premiers jours que prévu par les sociétés pétrolières", a-t-il ajouté, sans citer de chiffre précis. En décembre, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) s'est mise d'accord avec onze pays producteurs non membres du cartel pour baisser leur offre afin de faire remonter les prix. La Russie, dont l'économie a payé un lourd tribut à l'effondrement des cours depuis deux ans et demi, doit diminuer à elle seule sa production de 300'000 barils par jour par rapport à son niveau record de fin 2016 (plus de 11 millions de barils par jour). La Russie a indiqué que ses compagnies pétrolières devraient réduire leurs cadences de manière proportionnelle en restant floue sur le calendrier d'application de cet accord, prévu pour s'appliquer au premier semestre. Les analystes mettent cependant en garde contre toute interprétation hâtive des chiffres des premiers jours de l'année, fériés en Russie et marqués par une importante baisse d'activité économique, d'autant que le froid vif de ces derniers jour peut perturber l'exploitation de certains gisements. Une réduction de la production pas envisageable Le ministre de l'Energie des Emirats arabes unis a jugé prématuré d'envisager une prolongation de la réduction de la production de pétrole annoncée fin 2016. "Il est prématuré d'envisager de prolonger l'accord de la réduction de la production", a déclaré à des journalistes Suhail al-Mazroui en marge d'une conférence sur le pétrole organisée à Abou Dhabi. "Attendons la réunion le 20 de ce mois" de l'Opep à Vienne, a-t-il ajouté. L'Opep a fait entrer en vigueur le 1er janvier deux accords, l'un en son sein et l'autre avec des pays extérieurs comme la Russie, pour réduire la production générale, mais des doutes demeurent sur leur concrétisation, faute de données concrètes avant la fin du mois. Ces doutes pèsent sur les prix qui ont connu une nouvelle baisse mardi sur la lancée de leur chute de la veille, les investisseurs semblant pris de méfiance sur les promesses de réduction de l'offre par de nombreux producteurs. Par ailleurs, M. Mazroui a indiqué que son pays continuait à renforcer ses capacités de production en dépit de l'annonce de la réduction de sa production. "Nous continuons nos projets dans le but d'arriver à 3,5 millions de barils par jour de capacités de production" en 2018, a-t-il déclaré. "Nous nous sommes engagés à réduire l'approvisionnement en pétrole et c'est en cours. Les capacités de production supplémentaires serviront de réserve en cas d'une pénurie" a-t-il ajouté. Le 13 décembre, la compagnie publique ADNOC des Emirats arabes unis avait annoncé qu'elle allait "se conformer aux décisions de la réunion de l'Opep", sur une réduction de l'offre, ajoutant qu'elle allait "travailler étroitement avec ses clients sur les quotas révisés en janvier". La compagnie émiratie produisait alors quelque 3,15 millions de barils par jour. L'Arabie optimiste Le ministre saoudien de l'Energie Khaled al-Faleh s'est dit optimiste jeudi sur la perspective d'une stabilisation du marché pétrolier, toujours volatile, grâce à la réduction de la production et une reprise de la demande. "Je pense que l'accord tiendra entre nous, pays de l'Opep, et pays non membres de l'Opep", a déclaré M. Faleh lors d'une conférence énergétique organisée à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis. "Je suis confiant (dans le fait que) l'engagement pris par 25 pays (Opep et non-Opep de réduire la production) et que l'augmentation de la demande, ainsi que le déclin (de la production), équilibreront le marché et que les prix reprendront rapidement", a-t-il dit. "En 2017, nous nous attendons à ce que la demande continue d'augmenter au même rythme que nous avons connu récemment et qui est de l'ordre d'un million de barils", a-t-il ajouté. "En tant que producteur responsable, comme nos frères du Conseil de coopération du Golfe --qui regroupe outre l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, Koweït, Oman et le Qatar--, nous voulons la modération", a souligné le ministre saoudien. "Nous voulons réduire la volatilité, (même) si nous ne pouvons pas l'éliminer", a-t-il ajouté, souhaitant des prix qui aident à maintenir la production et à favoriser la consommation, tout en disant ne pas avoir d'"objectif spécifique" concernant le niveau de ces prix. L'Opep, dont l'Arabie saoudite est un poids lourd, a commencé à mettre en oeuvre le 1er janvier deux accords de baisse de l'offre, l'un en son sein et l'autre avec d'autres pays comme la Russie, mais le marché reste hésitant et les spéculations semblent s'accentuer en attendant les premiers chiffres sur les réductions de la production d'ici la fin du mois. Les cours du pétrole ont nettement augmenté mercredi et ainsi partiellement effacé un très mauvais début de semaine. M. Faleh a assuré, sans donner de chiffres, que son pays avait commencé à réduire sa production et que "la réduction dépasse les engagements pris".