Les candidats, à la primaire de la gauche en vue de l'élection présidentielle française d'avril, se sont prononcés jeudi pour l'instauration, à des degrés divers, d'une dose de protectionnisme en Europe. "Oui, il faut davantage nous protéger", a estimé l'ancien Premier ministre Manuel Valls, lors de l'ultime débat télévisé entre les sept postulants - dont quatre socialistes -, avant le premier tour du scrutin dimanche. "Il faut taxer lourdement les importations en violation avec nos normes environnementales et sociales", a proposé le responsable socialiste, qui figure parmi les favoris, estimant que "le projet européen est menacé de dislocation", notamment "parce que les peuples n'y trouvent pas leur compte". "Il n'y a que l'Europe aujourd'hui qui ne fixe pas ce qu'elle veut protéger", a renchéri l'ancien ministre de l'Education Benoît Hamon, devant la volonté protectionniste affichée par le président élu américain Donald Trump. Ce candidat de 39 ans, porté par une forte dynamique ces derniers jours, a proposé de "poser des écluses aux frontières de l'Union européenne qui détermineront les conditions d'accès au marché européen".
Remonter l'industrie Grand défenseur du "Made in France", l'ex-ministre de l'Economie Arnaud Montebourg, donné au coude-à-coude avec M. Hamon pour une qualification pour le second tour, a défendu son idée de réserver 80% des marchés publics aux petites et moyennes entreprises françaises. "Nous avons besoin de remonter notre industrie qui été dévorée par les dix années de crise qui viennent de s'écouler", a-t-il estimé. "Attention au protectionnisme", a toutefois nuancé Vincent Peillon, autre ancien ministre socialiste. "Ceux qui disent 'on va se replier', comment ils vont faire pour aller gagner des marchés à l'étranger ?", a-t-il questionné.
Une vraie déclaration de guerre, politique Interrogés sur les propos de Donald Trump, qui a qualifié le Brexit de "grande chose" ou la politique migratoire d'Angela Merkel d'"erreur catastrophique", les trois principaux candidats ont estimé que l'UE devait faire face en se renforçant. "Je prends très au sérieux les déclarations de Donald Trump. Et c'est une vraie déclaration de guerre, politique", a réagi Manuel Valls, pour qui le projet du président des Etats-Unis investi vendredi est de "casser l'Europe". "C'est une injonction pour l'Europe à être forte et unie", a-t-il ajouté. "C'est le moment pour l'Europe de se sublimer, il va même falloir (...) qu'elle quitte peut-être le parapluie américain du traité de l'Otan", a renchéri M. Montebourg. M. Hamon y voit, lui, "une opportunité pour l'Europe de resserrer les rangs" et de "renforcer son projet de défense commune". Les candidats ont en revanche affiché des positions divergentes sur le respect des règles européennes en matière budgétaire. Seuls Manuel Valls et Vincent Peillon ont estimé important de respecter la "trajectoire" d'un déficit limité à 3% de la richesse nationale. "Je ne veux pas d'une gauche qui fait des propositions à crédit pour perdre totalement son crédit", a insisté l'ancien Premier ministre. La proposition phare de Benoît Hamon d'un revenu universel d'existence a été éreintée par plusieurs de ses concurrents, pour son coût jugé démesuré. La mise en place de cette mesure - réservée dans un premier temps aux plus modestes et aux jeunes de 18 à 25 ans - coûtera 45 milliards d'euros et fera "circuler de l'argent", s'est défendu M. Hamon. Le vainqueur de cette primaire sera confronté, lors de l'élection présidentielle, aux candidats de la droite François Fillon et de l'extrême droite Marine Le Pen, ainsi qu'à deux challengers: le chef de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, et l'ex-ministre de l'économie Emmanuel Macron, 39 ans, dont les réunions publiques attirent les foules. Le scrutin (23 avril et 7 mai) s'annonce pour l'instant comme un duel serré entre François Fillon et Marine Le Pen.