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Entre parade et tradition
Hidjab, kamis, cela prend des allures de mode
Publié dans Le Midi Libre le 24 - 06 - 2008

Les Algériens des deux sexes affichent de plus en plus d'intérêt à l'égard du hidjab et du kamis. Cette transmutation prend la forme d'un phénomène de société.
Les Algériens des deux sexes affichent de plus en plus d'intérêt à l'égard du hidjab et du kamis. Cette transmutation prend la forme d'un phénomène de société.
Les magasins spécialisés dans la vente d'«habits islamiques» foisonnent et leurs adeptes se font chaque jour plus nombreux. Sur les trottoirs, dans les bus ou dans les universités, le constat est le même. Les Algériens des deux sexes affichent de plus en plus d'intérêt à l'égard du hidjab et du kamis. Cette transmutation prend la forme d'un phénomène de société. «Cela fait un peu plus de 2 années depuis que j'ai commencé à porter le kamis, soit juste après la fin de mes études», nous confie Boualem, vendeur de poulet à Bab El-Oued. La barbe soignée et les yeux noircis de khol, il ajoutera que sa seule motivation est de se «conformer à la sunna du Prophète QSSSL.» Notre interlocuteur, qui ne regrette pas les pantalons en jeans de la Fac, estimera que « les Algériens vont finir par adopter ce mode d'habillement conforme aux préceptes islamiques».
Les prévisions de notre interlocuteur, parait-il, ne sont pas sans fondement, du moins pour ce qui concerne les quartiers populeux. Les marchés informels et l'activité commerciale de manière générale sont le terrain de prédilection des porteurs de kamis. «Il ne faut pas se fier aux apparences. On porte le kamis et on se laisse pousser la barbe dans le seul objectif de gagner la confiance des gens», nous explique ammi Ahmed, marchand de tissus à la rue Debbih Cherif. «Certains pensent que le commerçant barbu, de par son attachement à la religion, ne verse pas dans les pratiques frauduleuses. » Et d'ajouter l'air un peu malin : «Mais Dieu seul sait ce que font les uns et les autres.»
Outre la vente de téléphones portables qui tend à devenir leur chasse gardée, ces concitoyens qu'on désigne fraternellement sous le vocable «El-Ikhwa», ont investi des domaines qui apparaissent, à première vue, inappropriés aux salafisme. Un concept réunissant sous la même ombrelle les partisans de la tradition musulmane.
El-akh, le portable et les sous-vêtments féminins
La vente de sous-vêtements féminins est l'une des ces activités que les porteurs de kamis n'ont pas négligée. «Il vous ira, madame, comme une bague», lance un gros vendeur à la jeune femme qui couvait du regard un string rouge. Cette scène que l'on peut apercevoir à la Place des martyrs ou dans un quelconque marché informel, est révélatrice d'un côté de ce phénomène. Une bonne partie des jeunes en question n'ont rien à voir El-Ikhwa des années 90. Rachid, 29 ans, est l'un des ces jeunes qui ont opté pour ce mode d'habillement. «Je vous dis la vérité, je me sens bien dans ces habits», nous déclare-t-il enjoué. Rachid qui s'est improvisé revendeur d'or cassé à la rue Patrice Lumumba à Alger ajoutera que «la barbe et le kamis inspirent la confiance au gens».
L'autre aspect qui mérite l'attention a trait au fait que ces effets vestimentaires sont disponibles partout, y compris dans certaines librairies. Kamis et pantalons courts sont exposés sur des étalages où l'on peut voir aussi des livres à caractère religieux ou de l'histoire de la civilisation musulmane. Des lieux où l'on peut acheter également les CD de l'Egyptien Amrou Khaled et autres prêcheurs proche-orientaux. S'agissant des prix, l'offre est variée. Ces ensembles de toutes les couleurs sont accessibles à partir de 1.200 DA. Les plus nantis d'entre les partisans de ce mode d'habillement se permettent des ensembles 100 % coton dont le prix dépasse, généralement, les 3.000 DA.
Hidjab entre conviction et contrainte
Le port du hidjab se généralise, prenant les allures d'un véritable phénomène de mode. Les Algériennes sortent toujours avec de nouveaux modèles que l'on a conçus sous d'autres cieux. Karima, fervente partisane du hidjab, nous précisera à ce sujet que « plusieurs modèles sont créés par des couturières algériennes». Mais il reste qu'une grande partie des cargaisons de hidjabs et de foulards, est importée.
Les étiquettes de ces vêtements qui soulèvent des polémiques en Europe indiquent des origines asiatiques. Fabriqués en Chine, ces produits textiles échouent dans le marché algérien après une escale aux Emirats. Tout comme le kamis et courts pantalons d' El-Ikhwa, l'offre en Hidjab répond aux besoins de toutes les catégories sociales. Un bon hidjab complet (robe + foulard) coûte jusqu'à 8.000 DA dans des magasins spécialisés dans la commercialisation de ces effets à la rue Ben M'hidi.
Un foulard ordinaire est cédé, généralement, à 400 DA. Le succès toujours grandissant que connaît le hidjab, nous explique Faiza, est soutenu par les contenus véhiculés par certaines chaînes satellitaires. Notre interlocutrice, sociologue de son état, estimera en outre que « nos, jeunes femmes, sont très sensibles aux émissions diffusées par ces canaux médiatiques de grande influence.» Un effet, ajoutera-t-elle, favorisé par « le lien ombilical de la société algérienne avec les valeurs religieuses de l'Islam.» La sociologue estimera nécessaire de rajouter un autre élément dans la compréhension de ce phénomène vestimentaire. Il s'agit de «la contrainte» qui constitue, selon elle, l'un des principaux motifs de port du hidjab ou uniquement du voile. «Nombreux sont les pères et les frères qui obligent leurs filles ou sœurs à porter l'habit islamique.», a-t-elle noté.
Lila, étudiante en sciences politiques donnera un autre son de cloche. «Le hidjab est devenu un moyen de tromperie », soutiendra-t-elle. « Je connais plein de filles qui portent le hidjab dans le seul objectif de tromper la vigilance des leurs. Ça leur permet de faire ce qu'elles veulent sans qu'elles soient constamment harcelées ou surveillées », ajoutera encore notre interlocutrice aux cheveux courts. Lila, qui dit connaître des jeunes femmes portant le hidjab par conviction, estimera toutefois que certaines de ses connaissances ont regretté d'avoir porté le hidjab. Ces dernières ne peuvent plus l'enlever, nous expliquera l'étudiante, en parlant de «choix irréversible».
Du côté des hommes, du moins pour certains, le hidjab ne signifie rien. Pour moi, soutient Boualem, un cadre dans les assurances «ce n'est pas un signe de bonne conduite du moment que je sais que le hidjab n'est qu'une apparence.» Boualem soutiendra, d'autre part, que «le hidjab ne fait pas partie de nos traditions vestimentaires». Et de renchérir que « le hayek et bien d'autres habits propres à chaque région d'Algérie sont menacés de disparition à cause de ces trucs importés je ne sais d'où.»
De 404 bâchée à Kinder
surprise
D'autres jeunes, en revanche, estiment que le hidjab est « nécessaire pour la femme.» Hakim, un célibataire de 34 ans, nous révèle sa vision des choses en déclarant que «ma femme doit porter le hidjab.» Ce jeune, dont ni l'aspect extérieur ni encore moins le comportement ne trahit des affinités salafistes, justifie son avis par « la bonne image et les obligations sociales.» Des obligations qui deviennent sérieusement contraignantes dans les quartiers populaires.
Il convient de rappeler, à ce propos, la vague de violence verbale et même physique dont ont fait l'objet les femmes non voilées, après le séisme de Boumerdes. Ignorance et propagande malveillante ont fait croire à de nombreux citoyens que cette catastrophe naturelle est « une punition divine.» Une punition infligée à tout le pays coupable « d'avoir laissé ses femmes circuler presque nues », soutient-on après la dite catastrophe. L'Algérie a connu, lors de la décennie 90, un épisode de même nature répressive mais de loin plus tragique. Une pression infernale s'est abattue sur les femmes, particulièrement celles émancipées. Il faut dire enfin que le hidjab n'a pas uniquement, cet aspect de « sacro-contraignant ». Ce mode d'habillement, qui a connu une percée dans notre société il y a prés de 20 années, n'a pas échappé aux moqueries parfois acerbes. Les femmes en hidjab sont désignées par «404 bachée», allusion faite aux fameuses camionnettes Peugeot. Ces Algériennes portant le hidjab sont appelées également «Kinder surprise» , un œuf en chocolat contenant de petits cadeaux.
Les magasins spécialisés dans la vente d'«habits islamiques» foisonnent et leurs adeptes se font chaque jour plus nombreux. Sur les trottoirs, dans les bus ou dans les universités, le constat est le même. Les Algériens des deux sexes affichent de plus en plus d'intérêt à l'égard du hidjab et du kamis. Cette transmutation prend la forme d'un phénomène de société. «Cela fait un peu plus de 2 années depuis que j'ai commencé à porter le kamis, soit juste après la fin de mes études», nous confie Boualem, vendeur de poulet à Bab El-Oued. La barbe soignée et les yeux noircis de khol, il ajoutera que sa seule motivation est de se «conformer à la sunna du Prophète QSSSL.» Notre interlocuteur, qui ne regrette pas les pantalons en jeans de la Fac, estimera que « les Algériens vont finir par adopter ce mode d'habillement conforme aux préceptes islamiques».
Les prévisions de notre interlocuteur, parait-il, ne sont pas sans fondement, du moins pour ce qui concerne les quartiers populeux. Les marchés informels et l'activité commerciale de manière générale sont le terrain de prédilection des porteurs de kamis. «Il ne faut pas se fier aux apparences. On porte le kamis et on se laisse pousser la barbe dans le seul objectif de gagner la confiance des gens», nous explique ammi Ahmed, marchand de tissus à la rue Debbih Cherif. «Certains pensent que le commerçant barbu, de par son attachement à la religion, ne verse pas dans les pratiques frauduleuses. » Et d'ajouter l'air un peu malin : «Mais Dieu seul sait ce que font les uns et les autres.»
Outre la vente de téléphones portables qui tend à devenir leur chasse gardée, ces concitoyens qu'on désigne fraternellement sous le vocable «El-Ikhwa», ont investi des domaines qui apparaissent, à première vue, inappropriés aux salafisme. Un concept réunissant sous la même ombrelle les partisans de la tradition musulmane.
El-akh, le portable et les sous-vêtments féminins
La vente de sous-vêtements féminins est l'une des ces activités que les porteurs de kamis n'ont pas négligée. «Il vous ira, madame, comme une bague», lance un gros vendeur à la jeune femme qui couvait du regard un string rouge. Cette scène que l'on peut apercevoir à la Place des martyrs ou dans un quelconque marché informel, est révélatrice d'un côté de ce phénomène. Une bonne partie des jeunes en question n'ont rien à voir El-Ikhwa des années 90. Rachid, 29 ans, est l'un des ces jeunes qui ont opté pour ce mode d'habillement. «Je vous dis la vérité, je me sens bien dans ces habits», nous déclare-t-il enjoué. Rachid qui s'est improvisé revendeur d'or cassé à la rue Patrice Lumumba à Alger ajoutera que «la barbe et le kamis inspirent la confiance au gens».
L'autre aspect qui mérite l'attention a trait au fait que ces effets vestimentaires sont disponibles partout, y compris dans certaines librairies. Kamis et pantalons courts sont exposés sur des étalages où l'on peut voir aussi des livres à caractère religieux ou de l'histoire de la civilisation musulmane. Des lieux où l'on peut acheter également les CD de l'Egyptien Amrou Khaled et autres prêcheurs proche-orientaux. S'agissant des prix, l'offre est variée. Ces ensembles de toutes les couleurs sont accessibles à partir de 1.200 DA. Les plus nantis d'entre les partisans de ce mode d'habillement se permettent des ensembles 100 % coton dont le prix dépasse, généralement, les 3.000 DA.
Hidjab entre conviction et contrainte
Le port du hidjab se généralise, prenant les allures d'un véritable phénomène de mode. Les Algériennes sortent toujours avec de nouveaux modèles que l'on a conçus sous d'autres cieux. Karima, fervente partisane du hidjab, nous précisera à ce sujet que « plusieurs modèles sont créés par des couturières algériennes». Mais il reste qu'une grande partie des cargaisons de hidjabs et de foulards, est importée.
Les étiquettes de ces vêtements qui soulèvent des polémiques en Europe indiquent des origines asiatiques. Fabriqués en Chine, ces produits textiles échouent dans le marché algérien après une escale aux Emirats. Tout comme le kamis et courts pantalons d' El-Ikhwa, l'offre en Hidjab répond aux besoins de toutes les catégories sociales. Un bon hidjab complet (robe + foulard) coûte jusqu'à 8.000 DA dans des magasins spécialisés dans la commercialisation de ces effets à la rue Ben M'hidi.
Un foulard ordinaire est cédé, généralement, à 400 DA. Le succès toujours grandissant que connaît le hidjab, nous explique Faiza, est soutenu par les contenus véhiculés par certaines chaînes satellitaires. Notre interlocutrice, sociologue de son état, estimera en outre que « nos, jeunes femmes, sont très sensibles aux émissions diffusées par ces canaux médiatiques de grande influence.» Un effet, ajoutera-t-elle, favorisé par « le lien ombilical de la société algérienne avec les valeurs religieuses de l'Islam.» La sociologue estimera nécessaire de rajouter un autre élément dans la compréhension de ce phénomène vestimentaire. Il s'agit de «la contrainte» qui constitue, selon elle, l'un des principaux motifs de port du hidjab ou uniquement du voile. «Nombreux sont les pères et les frères qui obligent leurs filles ou sœurs à porter l'habit islamique.», a-t-elle noté.
Lila, étudiante en sciences politiques donnera un autre son de cloche. «Le hidjab est devenu un moyen de tromperie », soutiendra-t-elle. « Je connais plein de filles qui portent le hidjab dans le seul objectif de tromper la vigilance des leurs. Ça leur permet de faire ce qu'elles veulent sans qu'elles soient constamment harcelées ou surveillées », ajoutera encore notre interlocutrice aux cheveux courts. Lila, qui dit connaître des jeunes femmes portant le hidjab par conviction, estimera toutefois que certaines de ses connaissances ont regretté d'avoir porté le hidjab. Ces dernières ne peuvent plus l'enlever, nous expliquera l'étudiante, en parlant de «choix irréversible».
Du côté des hommes, du moins pour certains, le hidjab ne signifie rien. Pour moi, soutient Boualem, un cadre dans les assurances «ce n'est pas un signe de bonne conduite du moment que je sais que le hidjab n'est qu'une apparence.» Boualem soutiendra, d'autre part, que «le hidjab ne fait pas partie de nos traditions vestimentaires». Et de renchérir que « le hayek et bien d'autres habits propres à chaque région d'Algérie sont menacés de disparition à cause de ces trucs importés je ne sais d'où.»
De 404 bâchée à Kinder
surprise
D'autres jeunes, en revanche, estiment que le hidjab est « nécessaire pour la femme.» Hakim, un célibataire de 34 ans, nous révèle sa vision des choses en déclarant que «ma femme doit porter le hidjab.» Ce jeune, dont ni l'aspect extérieur ni encore moins le comportement ne trahit des affinités salafistes, justifie son avis par « la bonne image et les obligations sociales.» Des obligations qui deviennent sérieusement contraignantes dans les quartiers populaires.
Il convient de rappeler, à ce propos, la vague de violence verbale et même physique dont ont fait l'objet les femmes non voilées, après le séisme de Boumerdes. Ignorance et propagande malveillante ont fait croire à de nombreux citoyens que cette catastrophe naturelle est « une punition divine.» Une punition infligée à tout le pays coupable « d'avoir laissé ses femmes circuler presque nues », soutient-on après la dite catastrophe. L'Algérie a connu, lors de la décennie 90, un épisode de même nature répressive mais de loin plus tragique. Une pression infernale s'est abattue sur les femmes, particulièrement celles émancipées. Il faut dire enfin que le hidjab n'a pas uniquement, cet aspect de « sacro-contraignant ». Ce mode d'habillement, qui a connu une percée dans notre société il y a prés de 20 années, n'a pas échappé aux moqueries parfois acerbes. Les femmes en hidjab sont désignées par «404 bachée», allusion faite aux fameuses camionnettes Peugeot. Ces Algériennes portant le hidjab sont appelées également «Kinder surprise» , un œuf en chocolat contenant de petits cadeaux.


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