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L'Aïd El Kebir dans une Algérie avec un pouvoir sans façade et une société en marche
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 11 - 08 - 2019


ALGERIE11/08/2019 09h:58 CET
Abdelkader Bensalah, président de l'Etat par intérim, a assuré ce dimanche, à Jamaa El Kebir, le rituel de la présence officielle à l'occasion de la prière de l'Aïd. Ces dernières années, Abdelkader Bensalah, le faisait déjà en substitution d'un Bouteflika "absent" depuis 2012, ce qui donne une apparence de "continuité". Pourtant même dans cette image figée du rituel, on "voit" déjà le changement: les habituels compagnons de Bensalah de ces dernières années à la mosquée, dont Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, sont en prison, "offerts" à la contestation populaire pacifique dans une opération d'élagage menée par le régime.
Sans ce sursaut citoyen pacifique des Algériens qui a pris par surprise aussi bien le régime que ses opposants, on aurait eu, sans aucun doute, Bensalah entouré de certains des pensionnaires actuels d'El Harrach, accomplissant à Djamaa El Djazair, la grande mosquée d'Alger, le rituel de l'Aïd, au nom d'un Bouteflika toujours absent mais président.
Si Bouteflika n'est plus président et si Djamaa El Djazaîr – dont la construction est "officiellement" terminée depuis le 29 avril selon le constructeur chinois – n'est toujours pas inaugurée, cela est dû à l'émergence – ou à la réémergence – de la société algérienne comme un acteur majeur. Et cela bouleverse totalement la donne.
Le pouvoir réel sans façade
Le paisible entêtement civique des Algériens qui scandent depuis 25 vendredi leur rejet d'un système corrompu et avilissant est un moment historique considérable. Certains puristes n'aiment pas que des Algériens scandent "le peuple veut l'indépendance", pourtant il s'agit bien d'une volonté d'accomplissement des promesses de Novembre, l'indépendance ne se limitant pas à une reprise du territoire et du drapeau, mais bien à la consécration de la liberté et des libertés, ces préalables à la dignité individuelle et collective. Le pouvoir réel, qu'incarne désormais de manière visible le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, est sans façade.
Mieux, il se débarrasse d'une bonne partie de la façade en place durant le règne de Bouteflika – politiciens, hommes d'affaires – en les envoyant en prison dans une sorte de "je vous ai compris" adressé aux Algériens" assurant que le régime fait sa toilette.
akram belkaïd@akrambelkaid
Une purge inégalée qui en dit long sur la pourriture propre à ce système https://twitter.com/SaidDjaafer/status/1160122845155995648 …Said Djaafer@SaidDjaaferL'ampleur des arrestations pour "corruption",qui touchent aussi bien les politiques – Premiers ministres, ministres, walis – que les hommes d'affaires est si grande qu'il n'est pas rare d'entendre désormais ce commentaire chez les citoyens lambda: "sont-ils tous pourris?" https://twitter.com/HuffPostAlgerie/status/1160113843286224897 …1311:47 – 10 août 2019Informations sur les Publicités Twitter et confidentialitéVoir les autres Tweets de akram belkaïd
Un message qui ne passe pas. Ces vagues d'arrestations pour cause de corruption, d'abus de pouvoir, de prise illégale d'intérêt touchant le sommet de l'échelle de la façade politique et des "élites" d'affaires ne font que conforter une bonne partie des Algériens qu'il ne s'agit plus désormais de toilette à faire dans le régime, mais bien de le changer. Il s'agit de créer les conditions, indubitables, pour que la volonté populaire et le droit souverain du peuple de désigner et de renvoyer les gouvernements s'applique de manière effective.
Un "je vous ai compris" qui ne passe pas
Pour de nombreux Algériens, le pouvoir n'a toujours pas "compris" que les Vendredis sont l'expression d'une volonté puissante de la société algérienne de rétablir une dignité trop longtemps bafouée ainsi que son droit naturel à se réapproprier, pacifiquement, un Etat qui a été privatisé par des groupes d'intérêt et qui ont usé et abusé des ressources du pays. Et ils restent, naturellement, dans le refus de revenir aux urnes avec la même administration e et les mêmes dirigeants qui ont organisé les fraudes dans le passé récent.
Les trajectoires du mouvement populaire et du chef de l'armée ne se rencontrent pas. Ahmed Gaïd Salah, est pressé de redonner une façade civile au régime, le mouvement populaire maintient, avec patience, son exigence de changer de régime. Pour faire passer son agenda – des présidentielles le plus vite possible -, le pouvoir réel accentue la pression policière sur les manifestations en espérant un reflux substantiel. Sans succès.
Les Algériens ont passé le cap du ramadhan avec succès avec des mardi estudiantins revigorants et des vendredi conviviaux et zen. Ils sont entrain de passer le cap de la période estivale avec un entêtement remarquable: sous la canicule, ils marchent encore et encore. Et au 25eme vendredi, à deux jours de l'Aïd, ils n'ont pas oublié les détenus d'opinions arrêtés au cours des manifestations ainsi que le plus ancien d'entre eux, le moudjahid Lakhdar Bouregaa.
Se mettre à jour
La mise en place par le pouvoir de la commission de dialogue de Karim Younes, très conspué le 25eme vendredi, est sans doute destinée à essayer de créer un fait accompli et donner l'image illusoire que les Algériens sont d'accord pour aller vite aux élections présidentielles comme l'exige le chef de l'armée.
Le problème est, qu'une fois de plus, le pouvoir s'auto-intoxique par ses propres moyens de propagande qui lui disent ce qu'il veut bien entendre. La résilience du mouvement populaire est une réalité et on peut s'attendre à un retour aux marches de grandes ampleurs à la rentrée, en septembre.
Cet Aïd qui ne se déroule pas comme l'a prévu l'agenda du régime avant le 22 février est celui d'une société, diverse et mûre, qui sait que des problèmes économiques lourds l'attendent et qui n'entend plus revenir en arrière. Le vrai problème est que le pouvoir – même s'il se débarrasse massivement d'une partie des acteurs de la façade – reste mentalement dans l'avant 22 février. Avec même une vision paranoïaque que des millions d'Algériens bougent sur injonctions des "réseaux de Toufik" ou de la "3issaba". Mais les Algériens, avec de l'humour, de la patience et de l'endurance et toujours en Silmiya, entendent bien l'amener à se mettre à jour. A se mettre au jour du 22 février, à celui d'une société qui s'est remise en marche après une longue période d'abattement – ou d'introspection?- qui a suivie une terrible guerre intérieure.
Quand le pouvoir réel se mettra à jour avec l'aspiration profonde de la population à se réapproprier son Etat, l'Aïd n'en sera que plus beau et les Algériens pourront s'occuper des graves problèmes qui les attendent: économie, éducation, formation…. Envoyer une correction


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