Dans sa dernière rencontre avec les walis, Abdelmadjid Tebboune s'adresse, en parlant de l'opposition, au clan déchu. Bien que le message du 22 février 2019 soit clair à ce sujet, dans le sens où il rejette tous les clans du pouvoir, le clan vainqueur ne veut pas se détourner des pratiques du passé. En effet, à chaque crise du pouvoir, le clan vainqueur sort la carte du chantage. Dans cette rencontre, le chef de l'Etat demande au peuple de l'accepter, sinon ce sont les plus méchants qui prendront la place. Cela dit, pour la précision, jusqu'à fin mars 2019, ces deux clans formaient un même corps. Toutefois, là où le bât blesse, c'est qu'il rétorque au clan déchu en s'appropriant le hirak. Pour discréditer les manœuvriers encore en prison, Tebboune leur répond sèchement. « C'est fini, le peuple est sorti dans la rue. Le train a démarré, personne ne l'arrêtera », argue-t-il. Cette lecture est évidemment erronée. Un observateur non averti pourrait même comprendre que le peuple algérien s'est allié avec le clan de Tebboune pour écarter l'issaba. D'un autre côté, cette soi-disant alliance n'a aucune existence sur le terrain. Qui emprisonne les militants du hirak et les journalistes qui couvrent leurs marches ? Ce n'est pas le clan déchu. Bien entendu, s'il était aux affaires, il ferait pareil, voire pire. En tout cas, malgré des demandes constructives du hirak, on ne se sait pas ce qu'il représente ni ce qu'il pèse aux yeux de Tebboune. Car, d'après lui, le citoyen n'aurait pas d'engagement honnête, mais il « devenu une proie facile pour ces individus douteux et leur argent sale qui continue à circuler dans la société. » Cela dit, qu'on ne s'y méprenne pas. De Ben Bella à Tebboune, c'est la même rengaine. Pour dominer le peuple, on l'accuse d'être à la solde des manipulateurs. Que le nouveau pouvoir –et non pas la nouvelle Algérie –le veuille ou non, ces pratiques ont existé avant février 2019 et elles ne sont pas sur le point de disparaître, comme tente de le faire croire le chef de l'Etat. Pour étayer cette thèse, il suffit d'examiner les conditions de la préparation de la nouvelle constitution. Comme Ben Bella en 1963, Boumediene en 1976, Chadli en 1989, Zeroual en 1996 et Bouteflika en 2008 et 2016, Tebboune recourt à la même commission d'experts en vue de rédiger le texte fondamental. Du coup, quand il parle du consensus de son élaboration, il ne s'agit ni plus ni moins que du consensus des experts. Le peuple algérien devrait attendre encore un moment avant d'imposer la sienne, la plus légitime depuis 1962. En somme, si Tebboune est dans son rôle de mettre toutes les chances de son côté, il est également du devoir de chaque citoyen de prendre position. Car, la non-immixtion des citoyens sans leurs affaires a conduit le pays à l'une des pires crises politiques en 2019. Ainsi, si le régime a reculé en février 2019, c'est grâce à la mobilisation citoyenne au sein du hirak. Et l'histoire est connue de tous. L'esprit de responsabilité du hirak a fait que les événements n'ont pas dérapé. Ce sont les 80% dont parle Tebboune. Quant aux 20 %, qui représentent le pouvoir et sa clientèle, s'ils n'avaient pas recours à la violence, c'est parce que l'esprit pacifique du hirak a coupé l'herbe sous les pieds des autorités sécuritaires. Et les archives sont témoins.