La cote d'alerte est bel et bien atteinte. Les structures dédiées à la prise en charge du Covid-19 ressentent les premières retombées de l'augmentation des contaminations. La demande sur les lits d'hospitalisation et de réanimation est en hausse. Au CHU Mustapha, il n'y avait plus de lits de réanimation disponibles, hier. Son comité de gestion est en alerte. Le professeur Rachid Belhadj est formel : il s'agit des prémices d'une troisième vague. Les nouveaux variants ne sont pas autant pointés du doigt que le relâchement généralisé, mais également le peu d'engouement pour la vaccination, y compris parmi le corps médical. Nawal Imès - Alger (Le Soir) - Comme à chaque pic d'épidémie, c'est du côté des structures de santé que le ton est donné. Depuis quelques jours déjà, les services dédiés à la prise en charge du Covid-19 sont à nouveau sollicités, tant pour des consultations que pour des hospitalisations. Au niveau de la capitale, de nombreux services ressentent déjà cette pression. Le CHU Mustapha-Pacha ne fait pas exception. Directeur des activités hospitalières, le Pr Rachid Belhadj est catégorique : « Nous assistons aux prémices d'une troisième vague, et nous nous y préparons .» Il explique en effet que « la situation était stable depuis quelques semaines. Il n'y avait pas beaucoup de demandes de consultation, ni beaucoup de demandes sur les lits d'hospitalisation ou de réanimation. Malheureusement, depuis deux ou trois jours, nous avons constaté un début de perturbation de ces quatre paramètres : réanimation, consultation, hospitalisation et transferts d'autres structures, et également un petit pic pour les décès. Ces paramètres commencent à nous inquiéter. Nous assistons aux prémices d'une troisième vague. Le comité de gestion du CHU Mustapha est en alerte. Nous sommes en train de tracer une feuille de route avec des plans A, B et C». Une inquiétude motivée également par l'approche d'événements importants, comme les examens nationaux et la peur de l'épuisement du personnel. Cette situation serait-elle due à l'apparition des nouveaux variants ? L'Institut Pasteur indiquait en effet ce jeudi que le nombre total de cas confirmés de variants à ce jour s'élevait à 143 cas pour le britannique et 230 cas pour le nigérian. Pour le Pr Belhadj, « la seule explication, ce n'est pas la mutation, mais un relâchement criant dans le comportement de la population. Le variant est connu et a les mêmes caractéristiques, même si le nigérian est plus contagieux. Mais nous avons surtout constaté un non-respect des mesures barrières par des jeunes qui contaminent les plus âgés qui sont plus ou moins respectueux des gestes barrières. Le port du masque devient rare, ce n'est pas normal en pleine pandémie. Il est temps que les familles algériennes prennent enfin conscience. Pas plus tard que ce matin, nous étions encore sollicités pour trouver des lits en réanimation pour des personnes âgées ». Comment expliquer la récente décision du gouvernement au sujet du réaménagement des horaires de confinement partiel à domicile pour les neuf wilayas toujours concernées ? Le Pr Belhadj répond que « personnellement, j'étais surpris. Est-ce que c'est conjoncturel par rapport au Ramadhan ? Mais de toutes les manières, ce n'est pas une heure de plus qui va changer la donne. On constate que les gens se déplacent moins la nuit. C'est le matin que la concentration et le risque de contamination sont plus élevés dans les marchés ou les lieux de travail ». Il met en garde notamment face aux comportements qui risquent d'apparaître les deux dernières semaines du Ramadhan, avec les achats traditionnels pour l'Aïd puisque, dit-il, « cela va occasionner deux pics : le matin et encore le soir. On risque d'augmenter les risques de contamination ». Autre source d'inquiétude, le peu d'engouement pour la vaccination. Le Pr Belhadj explique qu'« il n'y a pas de rush sur la vaccination, notamment au sein du personnel de santé. Nous ne sommes pas arrivés à convaincre le personnel de santé. On tourne autour de 15%, sans compter la mauvaise publicité autour de certains vaccins ». Comment expliquer que même face au risque d'une troisième vague, le comportement de la population est toujours à risque ? Le directeur des activités hospitalières au sein du CHU Mustapha explique qu'« en tant qu'universitaire, on estime qu'il y a un déni collectif. L'Algérien n'a peur que de la mort et les chiffres des décès ont nettement diminué, ce qui a rassuré peut-être. Sans compter le discours de certains. À cela s'ajoute une communication qui est conjoncturelle avec des pics et des accalmies, alors qu'il va falloir dire clairement que nos vies ont changé et qu'on doit vivre avec le virus encore longtemps ». En dépit d'une situation épidémiologique qui risque de se compliquer, le Pr Belhadj estime que « ce qui est positif, c'est que nous avons acquis une certaine expérience dans la gestion, et une solidarité entre les structures de santé ». Une maturité qui, dit-il, devrait pousser à réviser le mode de gestion de la crise sanitaire imposée par le Covid-19 à travers la nécessité de dédier des structures au Covid-19, expliquant qu'« il y a beaucoup de pathologies hors Covid-19 qui ne doivent pas être négligées. On ne peut pas dédier tout le système de santé au Covid-19. Il faut construire en préfabriqué des hôpitaux Covid-19 dans les wilayas, avec les moyens de prise en charge en les dotant de moyens humains. Il faut réfléchir à gérer autrement ». N. I.