L'Algérie commémore, demain, le 60e anniversaire des évènements tragiques du 17 Octobre 1961. L'anniversaire de cette année intervient dans un contexte de crise sans précédent entre la France et l'Algérie qui a rappelé son ambassadeur à Paris depuis plusieurs jours. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Le 17 Octobre 1961, soit moins d'une année avant la proclamation de l'indépendance du pays et de la fin de la colonisation, des Algériens venus manifester pacifiquement à Paris contre un couvre-feu qui visait les Maghrébins, ont été réprimés dans le sang par la police française. Des historiens affirment qu'il s'agit de la plus violente répression enregistrée à Paris depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Des centaines de manifestants ont été blessés et des dizaines de morts ont été déplorés, dont plusieurs ont été jetés à la Seine. Pendant longtemps, l'Etat français a entretenu le mensonge et le déni autour de ce massacre. En 2012, à l'occasion de la célébration de l'anniversaire des massacres, l'ancien Président François Hollande a reconnu «avec lucidité» la «sanglante répression» au cours de laquelle ont été tués «des Algériens qui manifestaient pour le droit à l'indépendance». 60 ans plus tard, l'évènement et la question mémorielle continuent de nourrir la tension entre les deux pays. Cette année, la commémoration des massacres du 17 Octobre 1961 intervient dans un contexte inédit où couve une crise sans précédent entre l'Algérie et la France suite à des déclarations du Président français faites le 30 septembre où il a qualifié le système algérien de «politico-militaire», accusant les dirigeants du pays de vivre de la «rente mémorielle» et affirmant que la réduction du nombre des visas visait la classe dirigeante. La réaction de l'Algérie ne s'est pas fait attendre. Après avoir dénoncé sans détour des «déclarations irresponsables» et «une grave erreur», l'ambassadeur algérien à Paris a été rappelé pour consultations alors que l'espace aérien a été fermé aux avions militaires français qui l'utilisaient dans le cadre des opérations au Mali. Les gestes d'apaisement et les déclarations rassurantes du Président de la France et de son ministre des Affaires étrangères n'ont pas suffi pour calmer la colère d'Alger qui exige de l'ancien colonisateur d'oublier que l'Algérie est une ancienne colonie et que désormais la souveraineté du pays doit être respectée. Jusqu'à aujourd'hui, l'ambassadeur algérien en France est toujours à Alger. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a conditionné son retour à Paris par «le respect total de l'Etat algérien» par la France. La commémoration de cette date historique marquera certainement un autre tournant dans les relations entre les deux pays. Aussi bien du côté français que du côté algérien, des discours officiels et peut-être des annonces sont attendus. Emmanuel Macron, qui a multiplié les gestes à l'égard des harkis ayant choisi la voie de la France durant la Révolution algérienne (1954-1962), est attendu, selon certaines sources, à nouveau sur la question de la mémoire ce 17 octobre à l'occasion de la commémoration de l'anniversaire des massacres. Après la tension qu'il a provoquée, Macron a tempéré ses propos, exprimant son souhait à ce qu'il y ait un apaisement parce que, a-t-il expliqué, dans un entretien à France Inter, « je pense que c'est mieux de se parler et d'avancer ». Son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a exprimé, de son côté, le respect des autorités de son pays au peuple algérien, ajoutant que c'est à eux « de décider de leurs choix et de leur débat politique». Des observateurs s'attendent à des gestes forts de Macron à cette occasion. Macron va-t-il revenir sur ses propos face à la gravité de la crise provoquée ? Va-t-il franchir un nouveau pas en reconnaissant officiellement la responsabilité de l'Etat français dans les massacres du 17 Octobre 1961 ? Dans son éditorial d'hier, le journal Le Monde a écrit qu'un acte manque encore pour dépasser les traumatismes vécus par les survivants du massacre et transmis à leurs descendants : «La reconnaissance officielle par l'Etat de sa responsabilité, de celle des hauts dirigeants et de la police de l'époque.» K. A.