�Je me sens emport�, quand je regarde dans tes yeux, Comme un navire dan un naufrage Tel un oiseau au c�ur d�un orage Ah, je suis malheureux Revenant bris� sur les roches comme un navire au rivage Et comme un oiseau meurtri je te ramage. Attrist�, je ne peux effleurer une autre fois l'aile des vents Et prendre les vagues, Car mon gouvernail est bris� Et ma voile est d�chir�e par des cyclones�. Une belle bien-aim�e � qui j'ai offert ce po�me que j'ai intitul� �Le navire ivre� � comme cadeau au lieu d'une jolie fleur, car les fleurs sont p�rissables �, m'avait dit d�licatement : qu'est-ce que la po�sie ? Cet �crit a �t� tout simplement ma r�ponse � celle qui m'est imp�rissable. La po�sie est un instrument de lib�ration d'�motion et de sentiment, une v�ritable catharsis, �crire pour moi devient une �vasion, une invitation au voyage, l� o� �mon c�ur, comme un oiseau, voltigeait tout joyeux�, le po�te est comme un oiseau de passage qui ne porte que des mots dans ses bagages, et des souvenirs ind�l�biles, des cicatrices sur l'�me. On nomme po�sie toute ext�rioration de sentiment, ainsi l'amour, la douleur d'aimer, la mort, le chagrin, la m�lancolie, la contemplation, la nature, etc., des th�mes qui reviennent sans cesse hanter les po�tes. Le langage po�tique on ne peut in�vitablement le comprendre, mais on doit le ressentir, la po�sie n'a pas pour objet de faire uniquement v�hiculer un message, mais aussi de faire ressentir au lecteur, �hypocrite lecteur mon semblable mon fr�re�, quelque chose d'indicible, d'inexprimable, de romanesque et d'exaltant, voire de subtil. Seuls les po�tes, peintres, musiciens, �crivains, sculpteurs, peuvent jouir de cette exquise ivresse, �malheureux peut-�tre l'homme, mais heureux l'artiste que le d�sir d�chire �. Pour ressentir cette ivresse, il faut se laisser emporter par la po�sie, comme un bateau qui se laisse abandonner aux flots. La po�sie, le miroir de l'�me, le po�me est un sourire d'un c�ur qui pleure. Les sentiments muets et les souffrances muettes qu'on ne peut crier, seules l'�criture et la po�sie peuvent panser les plaies m�lancoliques et saignantes d'un po�te. La po�sie est un rem�de � ses blessures mais ne peut le gu�rir de sa maladie. - Demandez au vent, � la vague, � l'�toile, � l'oiseau, � l'horloge, � tout ce qui fuit, � tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l'�toile, l'oiseau, l'horloge, vous r�pondront : �Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'�tre pas les esclaves martyris�s du temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin de po�sie ou de vertu, � votre guise.� (Le grand Baudelaire).