«La dépouille du colonel Bougarra a été demandée à la France et cette demande a été réitérée », rétorquera Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine, à notre question sur le dossier. Le ministre était en visite dimanche 17 janvier dans la wilaya de Boumerdès. Le membre du gouvernement précisera par ailleurs qu'une commission se composant des ministères de l'Intérieur, de la Justice et des Moudjahidine se penche sur ce problème et d'autres cas de dirigeants de la guerre de Libération également disparus. «Nous effectuons des ratissages dans toutes les régions du pays pour recenser tous les événements qui s'y sont déroulés et noter tous les cas de disparitions de moudjahidine afin de conforter nos demandes». Il y a lieu de noter que c'est la première fois qu'un responsable du gouvernement algérien réagit publiquement sur le cas du corps du colonel Si M'hamed Bougarra (1928-1959), chef de la Wilaya IV historique. Pour rappel, le colonel Si Hassen, qui a occupé le poste de chef de cette Wilaya à la disparition de Bougarra et qui préside la Fondation de la Wilaya IV, est intervenu publiquement auprès de trois présidents français (Chirac, Sarkozy et Hollande) qui se sont succédé à l'Elysée leur demandant de restituer la dépouille du chef du FLN-ALN. Durant tout ce temps, les autorités algériennes étaient restées muettes. Le colonel Si Hassen estime que le corps du colonel Bougarra a été récupéré, mort ou blessé, le 5 mai 1959, à l'issue d'une bataille avec l'armée française. En effet, selon les informations que nous avions précédemment récoltées, le colonel Bougarra était en tournée dans le sud de Médéa, une partie du territoire de la Wilaya IV avait fait l'objet d'un traitement de la part du général Challe. Ce dernier avait déployé d'immenses forces militaires, y compris l'aviation, autour du village Ouled Bou Achra dans le sud de l'actuelle wilaya de Médéa contre le colonel de l'ALN et la poignée de djounoud qui l'accompagnait. Le lendemain de cette bataille, les moudjahidine des autres localités ont rejoint le village signalé plus haut. Ils ont enterré les moudjahidine tombés au champ d'honneur mais n'ont trouvé aucune trace de leur chef. Selon un livre témoignage sur les événements de l'Ouarsenis — les Frères contemplatifs en zone de combat : Algérie 1954/1962 (Wilaya 4) — écrit par un membre d'une congrégation religieuse – Les petits Frères de Jésus — laquelle congrégation était sous la protection de Si M'hamed, cette mort (ou disparition) a suscité un fort climat de suspicion et de révolte parmi les troupes du FLN-ALN. Il a fallu la forte intervention du Conseil de la wilaya pour ramener un peu de calme parmi les djounoud de la wilaya en question. Mais à ce jour un voile noir couvre encore la disparition de ce chef qui était en totale entente avec un autre grand chef de la Révolution de Novembre, Amirouche en l'occurrence. Bougarra était parmi les congressistes de la Soummam et a participé à la fameuse réunion des colonels de l'ALN. Il est de notoriété publique que Bougarra n'était pas d'accord sur l'absence sur le terrain des chefs de la Wilaya V, ses voisins de l'ouest. Sa vision sur l'avenir de l'Algérie et ses positions politiques et idéologiques contrastent avec le populisme qui a fait des ravages au pays. Voilà ce que disait de lui le général Massu. «A l'heure où l'on se plaît à dire que la rébellion a perdu la partie, parce qu'elle est étranglée aux frontières tunisienne et marocaine, incontestablement le djoundi souffre dans le maquis physiquement et moralement, nous assistons à un phénomène déconcertant. Au beau milieu du territoire algérien, la Wilaya IV fait montre d'une vitalité et d'un dynamisme extraordinaires. Elle s'est toujours singularisée par rapport aux autres wilayas. Cela a tenu à la personnalité rayonnante du colonel Si M'hamed, un véritable chef de maquis.» Pour plusieurs raisons encore, la dépouille de Bougarra, son parcours et la vérité sur sa mort – ou sa disparition — sont importants pour l'écriture de l'Histoire du pays.