La prochaine réunion que les MAE algérien, tunisien et égyptien ont convenu de tenir les 5 et 6 juin prochain à Alger, autour du dossier libyen, se tiendra dans des conditions très particulières. L'Egypte, qui a confirmé sa présence à cette rencontre, poursuit ses bombardements dans des points névralgiques libyens ignorant les conséquences de ces opérations sur le fragile équilibre qui s'était établi dans ce pays. Abla chérif - Alger (Le Soir) - Pour l'heure, ni la Tunisie ni l'Algérie n'ont réagi officiellement aux évènements en cours. Les deux pays se sont contentés jusque-là de renforcer la sécurité à leurs frontières dès l'annonce (vendredi) du déclenchement des premiers raids aériens à Derna, une ville libyenne abritant le fameux majliss echoura des extrémistes religieux agissant particulièrement dans l'est de ce pays. Les autorités redoutent en particulier de devoir faire face à des mouvements de masse, un afflux de réfugiés au sein desquels se dissimuleraient des éléments terroristes fuyant les zones de tension. Dimanche, un communiqué du ministère algérien de la Défense annonçait déjà qu'un véhicule transportant neuf personnes en provenance de Libye avait été intercepté dans la région de Djanet. Le texte ne fournit aucun détail, mais traduit avec éloquence le climat qui règne à nos frontières. Une journée auparavant, les responsables tunisiens faisaient savoir de leur côté qu'un chef terroriste affilié à Daesh avait été abattu dans une zone tunisienne située à une vingtaine de kilomètres de l'Algérie. L'aspect sécuritaire sera très certainement à l'ordre du jour de la rencontre tripartite. Mais il s'agira aussi et surtout, a indiqué le porte-parole du MAE algérien, d'étudier les récents développements survenus en Libye. Ces développements sont, comme on le sait, liés aux raids aériens déclenchés par l'aviation égyptienne depuis l'attentat qui a induit la mort de 28 Coptes dans la ville de Minya, au sud du Caire. Al-Sissi ne s'est cependant pas contenté d'une frappe chirurgicale contre un fief soupçonné d'avoir élaboré la stratégie de l'attentat de Minya. Les bombardements se sont fait entendre quatre jours durant et pourraient se prolonger au-delà, à en croire les déclarations du chef d'Etat égyptien. Lors d'une déclaration télévisée, ce dernier a fait savoir que l'action se mènerait aussi longtemps que nécessaire «à l'intérieur et à l'extérieur» de ce pays. Pour mener ses frappes, Al-Sissi affirme se baser sur des informations sûres. Il est appuyé par le général Haftar, ennemi juré hostile au Gouvernement d'union nationale de Tripoli et réfractaire au processus politique en cours pour une réconciliation libyenne. Lui-même a annoncé sa décision de lancer dans une vaste opération anti-terroriste, notamment à Derna où il mène une lutte farouche contre les groupes terroristes et les milices qui lui sont hostiles. Sa démarche est considérée comme une remise en cause de tout l'échiquier en place. Affaibli par le processus politique mis en place au cours des différentes étapes de médiation menée notamment par l'Algérie, Haftar reprend ainsi du poil de la bête, compromettant toute l'avancée du gouvernement de Tripoli conduit par Faïez Esserradj. Depuis les frappes égyptiennes, les dissensions se sont d'ailleurs étendues à de nombreuses parties, induisant y compris des combats de rues au sein même de la capitale libyenne où s'affrontent l'armée loyaliste et des milices qui lui sont opposées. L'Egypte en porte la responsabilité totale. Son action militaire, soupçonnée d'avoir été entreprise pour faire diversion aux problèmes internes qui secouent le pays, a pourtant été presque ouvertement soutenue par Moscou qui y voit une opération anti-terroriste dans le strict sens du terme. La communauté internationale se dit, quant à elle, très préoccupée par la dégradation de la situation en Libye. La réunion tripartite des 5 et 6 juin prochain se tiendra donc dans ces conditions particulières. Certains milieux laissent entendre que cette rencontre n'est en fait qu'une nouvelle version du sommet tripartite prévu entre les présidents des trois pays concernés, et qui n'a jamais vu le jour pour des raisons inavouées...