L'information circule partout. Le parquet de Tlemcen a ouvert une enquête sur la disparition d'un chapiteau ayant servi lors de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique» organisée en 2011. C'est l'occasion de penser une nouvelle fois à l'utilité et l'utilisation de l'argent dans le secteur culturel. Si aujourd'hui, le secteur culturel en Algérie souffre du manque d'argent octroyé par l'Etat, c'est que certains gestionnaires n'ont pas su ou voulu bien s'en servir, si ce n'est quelques fois pour eux-mêmes. On s'est souvent demandé pourquoi l'Algérie dépense des sommes immenses lors de certaines manifestations telles que Alger, capitale de la culture arabe ou Tlemcen, capitale de la culture islamique alors qu'on oublie de dépenser pour la formation d'artistes et techniciens. On voit aussi comment on jette l'argent en organisant des galas qui ne servent à rien mais surtout par le lancement de projets qui n'aboutissent jamais ou du matériel qui disparaît comme ce chapiteau de Tlemcen, qui aurait été volé alors que la manifestation avait comme thème l'Islam. Un festival tous les 40 ans Le précédent ministre de la culture qui n'est pas responsable du tout petit budget octroyé aujourd'hui et durant son époque au secteur culturel en Algérie avait déclaré que la situation financière que connaît l'Algérie était à l'origine des retards accusés dans plusieurs projets de restauration et de conservation du patrimoine culturel dans plusieurs wilayas. C'est vrai que le budget octroyé à la culture est très faible mais le problème de gestion est nettement plus grave. Le ministre Mihoubi qui avait constaté les fortes dépenses avait décidé de réduire la périodicité de certains festivals et l'élimination d'autres. Il avait également bien fait de limiter les invitations de stars étrangères payées à coups de milliards mais le problème persiste car on n'arrive toujours pas à investir dans la formation et le recrutement des hommes qu'il faut. Pour ce qui est du patrimoine archéologique, le ministre s'était plaint du manque de finances. Il est possible qu'il ne savait pas pourquoi il y avait ce manque, mais aujourd'hui, il est possible de se poser les questions sur les dépenses des festivals et les budgets des différents projets et en tirer les leçons. Pour la périodicité de l'organisation des festivals, on se demande pourquoi le festival panafricain n'a été organisé que deux fois depuis l'indépendance de l'Algérie. C'est le seul festival au monde organisé une fois tous les 40 ans. A la prochaine édition, on pourrait l'inscrire au Guinness des records. Pour gérer l'argent de l'art et la culture, il faut d'abord les personnes qui savent gérer l'argent et la culture. Au gouvernement comme dans les wilayas ou les communes, la culture et l'art doivent être gérés par des hommes ayant un lien avec ce domaine ou qui aiment l'art. Il ne suffit pas de construire des théâtres, des salles de cinéma, des bibliothèques ou des musées pour croire qu'on va développer le secteur culturel. L'histoire nous a prouvé que l'important n'est pas d'investir dans les infrastructures mais dans la formation des gestionnaires car si ces derniers n'ont pas le niveau requis on continuera à faire du sur place. A ce jour, on n'a pas trouvé la solution pour convaincre les algériens à visiter les musées. Au lieu de former des conservateurs, on installe des anthropologues à la tête des musées. C'est vrai que l'anthropologue connait le domaine mais on préfère le voir dans le domaine de la recherche au lieu de se cloîtrer dans le bureau d'un musée alors qu'il n'a même pas les moyens de recruter des guides et des gardiens ni encore d'acheter des œuvres à exposer. Les ministres qui se sont succédé ces dernières décennies se sont-ils demandé combien de théâtres ont été construits depuis l'indépendance et qui sont totalement abandonnés ? La longue attente A Alger seulement, le constat est amer. Vu le nombre réduit d'activités artistiques organisées au théâtre de verdure Laadi Flici, on se demande si cette infrastructure a été réalisée pour consolider seulement les fondations de l'hôtel Aurassi ou pour les galas organisés surtout durant le Ramadhan ou la saison estivale. Il est à rappeler que cette grande infrastructure est dotée non seulement du théâtre de verdure mais aussi de salles de spectacles et de conférences et d'autres qui peuvent servir d'ateliers. A Bouzareah, un autre théâtre de verdure avait été construit dans les années 1970 par un maire qui encourageait la pratique artistique mais depuis son inauguration, ce théâtre avec gradins pouvant accueillir 600 spectateurs et des annexes, notamment des loges et des salles de répétitions ainsi que des boutiques l'entourant n'a jamais servi si ce n'est qu'une fois à l'occasion d'une fête de l'enfance. Ce théâtre transformé en bidonville pendant des décennies est à ce jour abandonné sans que personne ne réagisse. Un autre théâtre de verdure se trouvant au niveau de la clairière de la cité Sellier à Hydra n' a également jamais servi alors que les écoles primaires peuvent y organiser des animations pour les enfants. Les animateurs pour enfants devraient y penser. Toutes infrastructures et bien d'autres sans compter le problème des salles de cinéma ont été réalisées et abandonnées car on a pensé à la structure en béton sans investir dans les cerveaux. Si on avait pensé à placer des hommes de culture et des diplômés en management pour gérer le secteur culturel, on ne serait pas arrivés à enquêter sur la perte d'un chapiteau ou d'une tente, près d'une dizaine d'années après leur disparition. Au fait, pourquoi a-t-on attendu tout ce temps pour s'apercevoir de ces disparitions ? Y aura-t-il d'autres enquêtes ?