Les accidents de la route ont fait 4540 morts en 2013, selon le responsable du département de la sécurité routière de la gendarmerie nationale. Comme ce n'est pas vraiment le genre de chiffres que nos autorités aiment triturer, celui-ci ne devrait pas être loin de la réalité. Et si on ne peut pas dire qu'il est exact, c'est parce que la volonté de livrer de vraies statistiques sur un sujet donné ne suffit pas toujours pour y parvenir. Il faut aussi avoir les moyens de les obtenir. Exact ou pas vraiment loin, le chiffre fait quand même des accidents de la route la première cause de mortalité dans le pays. On ne sait pas non plus comment se calculent et s'apprécient les «causes de mortalité» mais on sait que les accidents mortels de la route ne sont pas une fatalité. Il y en a bien évidemment sur toutes les latitudes et il y en aura sans doute toujours, mais on peut en atténuer l'ampleur. Ce n'est tout de même pas «normal» que près de 5000 algériens meurent sur les routes. Et ce qu'il y a de plus terrible, c'est que mourir sur la route n'est jamais naturel. Il est même souvent contraire à la logique de la nature, puisque ce sont les plus jeunes qui s'exposent aux périls les plus tragiques. Ce qui est encore plus rageant dans ce chiffre qui donne froid dans le dos est cette conviction profonde qu'on peut largement le réduire. Parce que si le chiffre annuel des morts sur la route est alarmant, tout le monde vous dira qu'au point où en sont les choses, on s'en sort plutôt bien. Vu le nombre de voitures qui ne devraient plus être autorisées à rouler en raison de leur état de délabrement, l'état de nos routes, la qualité de beaucoup de véhicules «neufs», les pièces de rechange de contrefaçon, le piètre état des routes, le niveau de qualification des conducteurs, l'inefficacité du contrôle des services de sécurité… on se surprend à se demander si «avec tout ça», on n'est pas plutôt dans la… performance. Parce que ce n'est pas fini, il reste le plus important. Etant admis que l'essentiel des accidents de la route étant dû aux excès de vitesse, c'est tout naturellement qu'on attendait que l'effort de lutte en la matière soit dirigé prioritairement dans ce sens-là. Or, on voit bien ce qui se passe sur nos routes. Il n'y a aucune mesure dissuasive pour les amateurs de vitesse. Aucun conducteur passionné de sensations fortes ne voit une quelconque raison de bouder son bonheur. Les radars sont une invention de l'esprit. On a commencé par repérer leur emplacement, maintenant personne n'y croit carrément. A-t-on déjà entendu parler d'un automobiliste sanctionné en raison d'un «flashage» de radar en Algérie ? A-t-on déjà vu des policiers ou des gendarmes poursuivre quelqu'un qui roulait à une grand vitesse, lui intimer l'ordre de s'arrêter et prendre contre lui les sanctions qui s'imposent ? Oui, on a déjà vu ça… à la télé, et sous d'autres cieux ! Pourtant, la police et la gendarmerie savent comment les résultats s'obtiennent. En frappant là où ça fait mal. Pendant des décennies, aucun Algérien ne songeait à mettre sa ceinture de sécurité. Aujourd'hui, quasiment aucun Algérien n'oublie de la mettre ! Les services de sécurité commencent à avoir des résultats du même niveau concernant l'alcool au volant. La prison et les retraits de permis, ça dissuade, quand même. Ça peut même modifier le chiffre de la mortalité sur les routes. Et de la mortalité tout court. [email protected]