Divisée en 56 Etats dans une superficie de plus de 30 millions de kilomètres carrés, avec plus d'un milliard d'habitants, l'Afrique regorge suffisamment de ressources naturelles et humaines susceptibles d'être transformées en richesse réelle au bénéfice de ses habitants. Coté jardin on ne peut mieux espérer. Qu'en est-il côté cour ? Un PIB par habitant dramatiquement bas, un développement économique chaotique et hétéroclite, un endettement lourd comme un container d'enclumes, des pénuries d'eau potable, des délestages électriques, la famine et un taux de séropositivité plus élevé que partout dans le monde. Voilà la triste réalité de l'Afrique dont le monde a célébré hier la journée correspondant au 25 mai, date de création de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) en 1963 devenue l'Unité africaine (UA) depuis 2002. Deux politologues ont animé hier le sujet au forum du quotidien El Moudjahid, consacré à cette journée. Makhlouf Sahel, spécialiste en relations internationales, entamera la conférence en rappelant le contexte ayant présidé à la création de l'organisation de l'Unité africaine, à savoir accélérer le processus de décolonisation dont certains pays continuaient d'en pâtir. Les pionniers avaient alors décidé de réaliser les objectifs conformément à des principes partagés par les pays africains de cette organisation, et basés sur deux principes fondamentaux que sont la libération du continent du joug colonialiste et l'intangibilité des frontières. A cela on peut ajouter les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et les objectifs liés à la notion du développement durable (ODD). Mais l'organisation devait aussi faire face à des défis d'autre nature dont on citera à titre exhaustif, compte tenu de son importance, l'initiative réfléchie par les trois pays, Algérie, Afrique du Sud et le Nigeria sur le développement durable, une réflexion louable, dira le conférencier, qui ne sera malheureusement pas menée à terme en raison des conflits qui ont affecté certaines régions de ces pays. Le politologue est également revenu sur ces questions qui ont toujours entravé les travaux de l'organisation, ou de l'Unité africaine, axés sur la recherche de solutions pour éviter les conflits armés et surtout éviter d'être victime dans les logiques interventionnistes avancées par les uns et les autres. Un défi lié au principe dont l'Algérie est pionnière dans le domaine, à savoir les règlements des conflits par les résolutions pacifiques et politiques. Sur un autre plan, la menace terroriste et le crime transnational dans toutes ses dimensions constituent un véritable problème par le fait d'une activité terroriste importante dans certaines régions du continent comme Aqmi, Boko Haram, Shebab et qui continue d'inquiéter les spécialistes quant à cette possible coordination et cette interconnexion dont jouissent ces groupes terroristes constituant de véritables menaces. Et c'est là, pense le conférencier, qu'il faut chercher comment approfondir la coopération africaine en matière de lutte antiterroriste. Les efforts de l'Algérie dans ce sens, dira-t-il, sont méritoires et l'accord de Tamanrasset en témoigne. Pour Mustapha Saïdj, une autre problématique se pose, c'est celle d'assister impuissant devant les interventions françaises et américaines dans certaines régions de l'Afrique au nom de la démocratie ou ce «qu'ils considèrent comme valeurs démocratiques». Alors que les 3/4 des problèmes traités par l'ONU concernent l'Afrique, cette organisation n'a octroyé que deux sièges à deux pays africains renouvelables tous les deux ans au niveau du Conseil de sécurité. Deux sièges qui n'ont d'ailleurs aucun impact sur les décisions prises par ce dernier. Cependant, l'Unité africaine reste minée par ce fameux problème des conflits dits classiques comme celui des frontières à l'exemple du Maroc qui marque un illustre cas, ou des coups d'Etat. Il faut savoir à ce propos que l'Afrique comptabilise à son actif pas moins de 73 putschs militaires depuis l'avènement de Gamal Abdenasser (1952). C'est également au nom de la démocratie que la guerre civile a éclaté en Somalie. C'est dire, soutient le conférencier, que la transition démocratique proposée sous condition «politique et économique» n'a jamais réussi en Afrique dont les pays qui en ont fait l'expérience en savent quelque chose sur les conséquences catastrophiques. «Seule la bonne gouvernance, explique le politologue, est la solution adéquate. Il citera comme exemple le Nigeria, première puissance économique africaine mais qui n'arrive pas à lutter efficacement contre le groupe Boko Haram». Il est vrai qu'il y a un réel problème de gouvernance démocratique. C'est une infime minorité de la classe dirigeante qui détient la quasi-totalité des richesses du continent. On ne trouve pas de structures sociales fiables de redistribution équitable de maigres ressources à une tranche importante de la population qui croupit dans une misère indescriptible. Quel avenir pour l'Afrique ? La question a certainement du temps pour trouver réponse.