Il tournoie sur lui-même avec grâce, un florilège de couleurs illumine son visage. Le danseur, un enfant, semble si petit, si frêle qu'on s'attend à tout instant à ce qu'il lâche prise sur sa robe multicolore. Pourtant, il a décidé de ne pas la lâcher. Il danse la tanoura, la danse sacrée des derviches tourneurs. Inspirée des derviches turcs venus en Egypte au début du XIVe siècle. Djâlal Eddine Erroumi, Mewlana (notre maître) est le fondateur des derviches tourneurs et le semas, leur danse grâce à laquelle les disciples tournent à la recherche de l'extase et de la félicité qui les rapprocherait de Dieu. Les derviches tourneurs portent des robes blanches sur lesquelles tombent des manteaux noirs ainsi que des grandes toques en feutre, en forme de cônes. Le manteau personnifie la mort et l'enveloppe charnelle, le chapeau, la pierre tombale et l'habit blanc, le linceul et la résurrection. La méditation avant le spectacle Ils rentrent dans la salle, l'un derrière l'autre, le cheikh (le maître) arrive derrière pour exprimer son humilité. Les derviches s'agenouillent, méditent puis se relèvent. Tout en avançant en cercle, ils se tournent l'un vers l'autre et inclinent la tête. Ils laissent tomber le manteau, croisent les bras en tenant les deux épaules avant de s'élancer et tourner sur une seule jambe, comme une toupie, après avoir reçu la baraka, la bénédiction du maître. La tête penchée sur le côté, ils lèvent les bras en l'air, tournent selon la marche des aiguilles d'une montre, lentement puis rapidement jusqu'à arriver à un état de transe. On y ressent alors toute la spiritualité et la puissance mystique qui entoure et qui symbolise cette danse aux mélodies hypnotiques. Tout le cérémonial s'effectue en cercle, car pour les mawalwis, «le mouvement du monde commence à un certain point et finit à ce même point. Ainsi, le mouvement doit être circulaire». L'enfant tournoie toujours sur lui-même et au fur à mesure, il ôte les quatre jupes coniques multicolores qu'il porte. Ces dernières représentent l'été, l'automne, l'hiver et le printemps. Il les soulèvent l'une après l'autre au-dessus de sa tête et s'en débarrasse sans s'arrêter de danser. Le lien entre ciel et terre Le petit danseur lève son bras droit vers les cieux tout en tendant son bras gauche vers la terre dans un geste qui lie le ciel et la terre. Il est l'axe de vie. On dit qu'il aspire à recevoir la grâce divine dans sa main levée et la transmet par sa main gauche à la terre. Avec la vitesse et l'agilité avec laquelle il tourne, la superposition des couleurs chatoyantes des jupes fait penser à un lampion, à un prisme. Du bleu, du vert, du jaune, du rouge, les couleurs captivent les regards. Le Soleil représenté par l'enfant est au centre, autour de lui, les autres danseurs sont les planètes, tous ensemble, ils reproduisent la rotation des astres autour du Soleil. La tanoura est considérée comme la forme traditionnelle de la danse soufie égyptienne. Elle est en quelque sorte moins austère que celles exécuté en Turquie ou en Syrie. La formation de Amer Al Touni est très proche des soufies turcs avec une version égyptianisée, dans ses spectacles, il y a place aux mawlawiyas, très proche des disciples de Mawlana Roumi mais également à la tanoura. Louanges à Dieu et à son Prophète Pour ces danseurs, habillés tout en blanc, le manteau et la ceinture noire sont absents. Quand arrive le tour de la tanoura, les jupes blanches laissent place aux jupes multicolores. Les derviches se transcendent et vont vers le divin amour, grâce au chant, à la danse et à la musique. Le dhikr, les louanges à Dieu et à son Prophète et les poèmes d'Al Hallaj, d'Al Roumi et bien d'autres maîtres soufis accompagnent les danseurs aux sons du tambourin, de la flûte, du luth et du Rebab. Le soufisme a pour eux épousé cette musique, car elle purifie l'âme. Dans certaines manifestations, le cérémonial de cette danse comme chez la tariqua aïssaouia en Algérie n'est plus qu'une représentation folklorique loin de sa vocation spirituelle. Prisée par les touristes, la danse des derviches tourneurs est aujourd'hui source d'enrichissement pour de nombreux organisateurs de spectacle. La musique s'éteint, l'enfant s'immobilise, la tanoura a pris fin et les simples mots ne peuvent rendre compte réellement de la beauté de cette danse.