Les multiples tentatives des pouvoirs publics visant à intégrer l'argent de l'informel dans les circuits bancaires n'ont pour le moment pas eu les résultats escomptés, estiment certains experts. Pour renverser la vapeur et couronner cette opération de succès, les banques islamiques proposent leurs services. Elles avancent que la finance islamique «peut aider à surmonter la crise en contribuant à bancariser une partie des 3700 milliards de dinars hors circuit bancaire». Invité hier au forum économique du quotidien El Moudjahid, le professeur en sciences économiques Mohammed Boudjelal a estimé que «plusieurs détenteurs de fonds qui circulent dans le circuit informel seraient prêts à les injecter dans les circuits formels si les banques se mettaient à la finance islamique». Car, selon lui, les pratiques des banques conventionnelles laissent les personnes et entreprises, dont des grands commerçants, réticents quant aux transferts de leur argent dans des établissements financiers qui travaillent en contradiction avec leurs convictions religieuses, c'est-à-dire charia. Enumérant les inconvénients des pratiques bancaires traditionnelles et les bienfaits de celles des banques dites islamiques, le professeur a fait savoir que dans le cadre de l'Ansej, par exemple, quelque 900 micro-entreprises ont baisé rideau dès qu'ils ont su qu'ils avaient contracté des crédits usuraires. Revenant sur les causes qui font que ce mode de financement a du mal à se frayer un chemin et à convaincre des clients, le directeur général d'Al Salam Bank, Nasser Hideur, qui a animé les débats avec le professeur Boudjelal, a estimé qu'en Algérie, les six banques publiques dominent le marché financier et banquier avec 85% de parts de marché. Quant aux 15% restants, ils sont partagés par les banques privées, dont deux islamiques, qui sont El Baraka Bank et Al Salam Bank. De leur côté, ces deux banques se partagent 1,5 à 2 % de parts de marché. «C'est très peu et beaucoup de choses restent à faire», reconnaît Hideur, avant d'expliquer les raisons de la faiblesse de ce mode de financement en Algérie. Vide juridique En premier lieu, le directeur général d'Al Salam Bank a évoqué le cadre juridique qui fait défaut. «En réalité, la loi ni interdit ni autorise la finance islamique. Il existe un vide juridique que nous demandons d'ailleurs à combler», réclame le banquier. Lui emboîtant le pas, le professeur Boudjelal interpelle les parlementaires pour faire des propositions de loi afin de compléter celle sur la monnaie et le crédit en introduisant de nouveaux textes qui encouragent l'exercice des banques islamiques ou alors la création de lois à part, comme c'est le cas dans certains pays du Golfe ou en Malaisie. Le deuxième élément qui retarderait le développement de la finance islamique évoqué par le directeur général d'Al Salam Bank est le manque de communication et de vulgarisation, conjugué aux réseaux non étoffés des agences que comptent les deux banques. D'après lui, El Baraka a 30 agences à travers le pays, contre 7 seulement pour Al Salam Bank. Considéré comme un marché naissant à travers le monde puisqu'il ne représente que 2000 milliards de dollars, les conférenciers sont unanimes à dire que la finance islamique à de beaux jours devant elle, que ce soit en Algérie ou dans le monde. La crise économique mondiale et particulièrement celle des subprimes aux Etats-Unis ont fait que des économistes ont commencé à se pencher sérieusement sur la question de la finance islamique et la considérer comme une alternative qui éviterait au monde capitaliste de tomber dans de telles crises.