Le commerce informel fait son grand retour durant le mois de Ramadhan. Un retour en force par endroits, un peu plus timide dans d'autres, la vente illicite refait surface depuis le début du mois sacré. Face à l'inertie des pouvoirs publics, les vendeurs à la sauvette réinvestissent doucement les lieux d'où ils avaient été délogés par la force publique. Mais ce qui est le plus flagrant cette année, c'est la vente informelle de pain. Les rues sont inondées de pains en tous genres. Baguette, galette, ficelle… les vendeurs à la sauvette proposent toutes les variétés de cet aliment indispensable durant le mois de jeûne. Dans quelques communes de la capitale, à l'instar de Kouba, Draria, Saoula ou Birkhadem, des points de vente informels ont été créés pour le commerce de pain. Le président de l'Association nationale des commerçants et artisans (Anca), El Hadj Tahar Boulenouar, explique cette situation par le fait qu'il y a un déséquilibre entre l'offre et la demande. «Nous avons 21 000 boulangers qui fabriquent 40 000 baguettes par jour, mais cette quantité est insuffisante durant le mois de Ramadhan. Il faut au minimum 5 millions de baguettes en plus», a-t-il estimé. Les consommateurs sont finalement obligés de se procurer du pain écoulé dans des conditions d'insalubrité où poussière, pollution et saleté jouxtent ces lieux de l'informel. Boulenouar accuse les autorités locales d'être responsables de ce constat amer. «Où sont les services d'hygiène des APC ? Comment peuvent-ils permettre la vente de pain exposé toute la journée au soleil et à la poussière ?», s'est-il interrogé. Les élus locaux sont, selon lui, seuls responsables du retour du commerce informel, car «ils ne font pas leur travail». Notre interlocuteur n'a pas cessé de prévenir sur les conséquences de ce «grand» retour des marchés parallèles. La disparition de l'informel ne peut se faire, explique Boulenouar, sans l'implication des communes qui doivent promouvoir le développement local alors qu'elles sont en ce moment un frein à ce dernier. Boulenouar rappelle que l'éradication de l'informel est un engagement de l'Exécutif. S'il devait revenir en force, c'est non seulement toute l'action du gouvernement qui serait discréditée mais ce serait également la preuve que les grands barons qui font transiter 80% des produits périmés ou contrefaits par le circuit de l'informel ont repris le dessus. Pour sa part, le président de l'Association de la protection et de l'orientation des consommateurs et de son environnement (Apoce), Mustapha Zebdi, s'est montré catégorique : «La vente informelle demeurera tant que le manque de marchés de proximité persiste», a-t-il martelé. Les autorités publiques ont, selon lui, éradiqué quelques marchés informels sans proposer d'alternatives. «Les consommateurs n'ont pas d'autre solution que de se tourner vers les vendeurs à la sauvette, car les produits alimentaires manquent», a-t-il déploré. A propos de la vente illicite de pain durant le mois sacré, Mustapha Zebdi explique ce phénomène par le fait que les boulangers ne produisent pas assez de baguettes durant la journée. «Ils fabriquent un quota et le vendent avant midi pour se consacrer le soir à la préparation des desserts de Ramadhan», a-t-il fait remarquer. Zebdi a cité entre autres la fermeture de plusieurs boulangeries, qui est, selon lui, «à l'origine de ce déficit en pain». «A cause de leur faible marge bénéficiaire, plusieurs boulangers ont mis la clef sous le paillasson», a-t-il regretté. En effet, l'UGCCA a maintes fois adressé ces doléances aux pouvoirs publics pour venir en aide aux boulangers suite à la crise qui dure depuis des années. Au niveau des prix, les boulangers se plaignent des marges trop réduites qui ne leur permettent pas de couvrir leurs charges (électricité, eau, maintenance des équipements) et d'assurer la perspective de durer dans la profession. C'est l'une des raisons qui ont poussé certains boulangers à ne plus exercer ou de changer d'activité.