Le politologue Rachid Grim estime qu'il y a «une tendance au sommet de favoriser le RND au détriment du FLN à cause des scandales ayant émaillé l'élaboration des listes de candidatures du FLN. Depuis quelques jours, les patrons du FLN, Djamel Ould Abbès, et du RND, Ahmed Ouyahia, se livrent une bataille acharnée, arrivant au stade des accusations mutuelles. Les échanges d'amabilité entre les deux hommes des deux partis majoritaires ont imprimé un cachet particulier à la campagne électorale. Que cache alors cette bataille entre les deux piliers du pouvoir ? «L'enjeu principal reste l'élection présidentielle de 2019», estime le politologue Rachid Grim. Ce dernier, contacté hier par nos soins, estime que le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, est partant pour cette échéance. «Si le RND aura plus de sièges que le FLN dans la future APN, cela veut dire que la voie sera grande ouverte pour Ouyahia. Tout dépend, donc, de la manière dont vont se dérouler les législatives», explique M. Grim. A travers les fléchettes que se lancent Ouyahia et Ould Abbès, notre interlocuteur croit déceler «une tendance au sommet de favoriser le RND au détriment du FLN à cause des scandales ayant émaillé l'opération de l'élaboration des listes de candidatures du FLN». Ici, Rachid Grim fait allusion au membre du bureau politique impliqué dans une affaire de marchandage de place dans les listes et du fils du secrétaire général. Ainsi, le politologue soutient que les législatives sont la première étape pour la présidentielle, dont Ouyahia n'a pas caché son ambition de briguer un mandat présidentiel. Djamel Ould Abbès a, du reste, établi un lien direct entre les deux échéances, en affirmant que les législatives de 2017 constituent une passerelle vers les présidentielles de 2019. Ouyahia semble vouloir emprunter cette passerelle. Depuis le début de la campagne électorale, Ahmed Ouyahia, également directeur de cabinet de la présidence de la République, dont il a pris un congé, offre l'allure d'un homme qui se présente dans la peau d'un présidentiable. Il se consacre entièrement à la campagne, avec une moyenne de deux meetings par jour. Il multiplie les propositions de sortie de crise : décentralisation de la décision économique, prérogatives des élus locaux et même application de la peine de mort pour certains crimes, comme le kidnapping d'enfants et le trafic de drogue. Ouyahia s'aventure dans un terrain parsemé d'embûches. De l'autre côté, le patron du FLN multiplie les annonces quant à la victoire de son parti, se revendiquant comme l'héritier légitime du combat libérateur du pays et arbore le programme du chef de l'Etat comme viatique. Et paradoxalement, ce n'est pas un parti d'opposition qui fait des mises au point à Ould Abbès qui revendique la Révolution de novembre, confond le FLN avec l'Etat et annonce que son parti aura la majorité. C'est son binôme au sein de la coalition présidentiel (le RND) qui s'est chargé de cette mission. Et c'est la guerre de tranchées. Le patron du RND a beau rappeler à son homologue du FLN que Bouteflika est le président de tous les Algériens, que le RND aussi le soutient et que la Révolution de 1954 n'est pas l'apanage d'un seul parti, Ould Abbès ne veut rien entendre. «Certains me reprochent de vouloir monopoliser le président de la République ou son programme. Effectivement, Abdelaziz Bouteflika est le Président de tous les Algériens, il n'y a aucun doute à ce propos. Sauf que, pour ceux qui l'auraient peut-être oublié, Abdelaziz Bouteflika est également le président de mon parti, le FLN», a lancé Ould Abbès. Autre motif d'attaque : «Le FLN n'est pas né avec des moustaches», en allusion à la création du RND en 1997 et qui a remporté la majorité parlementaire quelques mois plus tard. Ouyahia réplique sur un autre plan : «chez nous, l'on n'use pas de la chkara pour postuler à la députation». Il faut dire que des voix s'élèvent, y compris au sein du FLN, pour déplorer l'utilisation de Bouteflika par Ould Abbès dans sa campagne. «Pour le FLN, je crois que c'est l'un des défauts du secrétaire général de trop utiliser l'argument présidentiel pour la campagne électorale. C'est bien de temps en temps, mais il ne faut pas en abuser», a estimé l'ancien président de l'APN, Abdelaziz Ziari, dans des déclarations médiatiques.