Le village des artistes de Ryadh El Feth (Alger) vit, aujourd'hui, une ambiance de cimetière alors qu'au milieu des années 1980, il attirait régulièrement des centaines de familles par jour. La decennie noire est, en partie, le motif de la mise à mort du village des artistes de Ryadh El Feth mais la gestion y est pour beaucoup. D'ailleurs, on se demande comment ni la direction de l'Office Ryadh El Feth, ni le ministère de la Culture, ni celui du Tourisme n'ont pensé à la relance de ce village de l'artisanat et des artistes. Pour rappel, ce village qui accueillait la crème des artisans algérois avait été inauguré, en 1984, avant même le centre commercial de Riadh El-Feth. Les boutiques avaient été attribuées sur concours aux meilleurs artisans contre des promesses de logement, de mise à disposition de la matière première et, surtout, un lieu où les touristes ne manqueraient jamais. De grands maîtres artisans tel que l'ébéniste Hamid Kobtan, le tisserand Mohamed Hamlat et Hadj Zolo avaient quitté leurs boutiques de la Casbah d'Alger pour le nouveau village de Riadh El-Feth. Il faut dire que même s'il y avait encore des choses à faire, beaucoup d'artisans étaient contents de se retrouver dans un lieu propre pour accueillir les visiteurs venant en famille même tard, notamment, les soirées d'été. Le chemin menant au village dégageait une odeur toujours fraîche et les roses plantées de part et d'autre étaient bien entretenues. La direction animation de l'époque mettait à disposition des artisans une spécialiste pour la décoration des devantures et les visiteurs trouvaient un grand plaisir de voir les artisans à l'œuvre et écouter leurs explications. Des écoliers et des enfants accompagnés de leurs parents venaient voir le dernier tisserand d'Alger, Mohamed Hamlat, derriere son métier à tisser, ou le luthier Nifer, qui fabriquait des instruments à cordes, notamment le luth et le Qanoun. D'ailleurs, ce artisan félicité par le bey de Tunis avait même réalisé une derbouka en bois. Aujourd'hui, mis à part quelques artisans continuant de survivre, tout est mort au village des artistes. Le théâtre de verdure Hadj-Abderrahmane, rebaptisé au nom de Saïd Mekbel est délaissé. Dès l'entrée du bloc 12, on remarque l'absence des deux tisserands, notamment maître Hamlat qui, déçu, avait décidé de ne plus toucher au métier à tisser. Même son fils Youcef aurait refusé de reprendre le métier car il n'est pas rentable. Ils résistent malgré tout Le départ de feu Hamid Kobtan le grand ébéniste, avait eu lieu en 1985. Le dinandier Hadj Zolo décédé au Maroc, a laissé le vide au village. Hadj Zolo attirait à lui seul des centaines de curieux par jour. Le deuxième spécialiste du cuivre, Bentchekkar, est également parti. Le spécialiste du verre soufflé, Ghersa, aurait choisi de partir avec son savoir-faire et son art eOn France. Nemchi et Ogal résistent malgré toutes les contraintes à sauvegarder la bijouterie berbère. Il faut dire que cette résistance est due, surtout, à rendre hommage à leurs parents et à la promesse tenue pour la sauvegarde du métier. L'autre combattant est Abdelkader Boumala, le calligraphe qui continue à rejoindre sa boutique pour s'adonner à son art. Hocine Ameziane, qui tenait la boutique de vannerie, est décédé sans laisser un artisan qui puisse le remplacer. Avec le départ de ces artisans, ce sont plusieurs métiers qui ont disparu, et la direction de l'Office Riadh El-Feth tout comme le ministère chargé de sauvegarder l'artisanat semble jouir de la mort de ces métiers. En tous cas, les quelques artisans, nouveaux ou anciens, qui se trouvent au village des artistes ne sont pas du tout encouragés puisqu'il n'ya a pas de visiteurs. Il n'y a aujourd'hui ni rentabilité morale ni financière. Pour rappel, le village des artistes de Riadh El-Feth devait être la vitrine de l'artisanat en Algérie et une vraie porte pour l'attrait des touristes. Aujourd' hui, le village est devenu un exemple de la mauvaise gestion du secteur du tourisme et de l'artisanat en Algérie. Relance On se demande pourquoi les gestionnaires, qui étaient à la tête de l'Office Riadh El-Feth à l'époque, ont été mutés ou poussés au départ, et pourquoi leurs remplaçants ne font même pas le minimum. C'est à croire que les gestionnaires du lieu et du secteur de l'artisanat sont payés pour saboter et tuer les arts et les artisans. Il faut agir au plus vite pour relancer l'activité au niveau de ce village.