«C'est un taux artificiel», a qualifié hier l'économiste, Abderrahmane Mebtoul, le taux de croissance de 9,3% pour 2009 annoncé par le ministre des Finances, Karim Djoudi, lors de son audition dimanche par le président de la République. «Il est artificiel parce que la croissance est tirée à 80% par la dépense publique. Ce qui signifie, a-t-il poursuivi, que seuls 20% de cette croissance sont tirés par les entreprises économiques.» La justification tient aussi au net recul des exportations qui ont chuté de 40% en 2009. A propos des exportations, Abderrahmane Mebtoul a relevé la différence entre le chiffre avancé par le ministre des Finances et le bilan communiqué par le groupe Sonatrach qui évoque un recul de 47% pour 2009. L'économiste plaide pour l'engagement d'une politique hors hydrocarbures, car dans 20 ans l'exportation des hydrocarbures et du gaz ne permettra plus à l'Algérie d'avoir une rentabilité financière. D'où la question lancinante «comment passer d'une politique de rente à une économie productive ?» La question de réévaluation des coûts des projets est épineuse, signale-t-il. «Sur les 286 milliards de dollars prévus dans le cadre du plan quinquennal 2010-2014, 130 milliards de dollars représentent des projets non réalisés dans le cadre du précédent programme 2005-2009. Le président a décidé que le programme quinquennal fasse l'objet d'une évaluation annuelle pour tenir compte de la situation des finances publiques. Il a ordonné au gouvernement de veiller, grâce à l'ensemble des mesures arrêtées en matière de dépense publique, à prévenir les réévaluations coûteuses des projets et à prohiber toutes formes de gaspillage. Il faut lutter contre les réévaluations», tient à ajouter Mebtoul. «Comment le coût global de l'autoroute Est-Ouest a atteint 10 millions d'euros/km alors qu'en moyenne internationale le chiffre est de 5 à 6 millions de dollars/km», soutient-il. Outre une réforme globale, l'expert plaidera pour l'instauration d'une bonne gouvernance, la valorisation du savoir-faire et la réhabilitation de l'entreprise nationale. «Il faudra inverser la logique rentière et la sphère informelle. En cas de chute des exportations des hydrocarbures, l'Algérie risque un ralentissement de la croissance globale qui se répercutera, à son tour, sur le taux de chômage. Ce dernier est aussi artificiel», relève-t-il. Les raisons, de l'avis de l'expert, sont le fait qu'une grande proportion de l'emploi en Algérie est temporaire ou relève du secteur informel. Les salariés du secteur de l'administration et des services publics, quant à eux, ne créent pas la croissance, fera-t-il remarquer.