L'objectif du Conseil suprême des forces armées égyptiennes, qui exerce le pouvoir depuis la chute de Moubarak, était de rendre le pouvoir à un gouvernement civil et de respecter les traités internationaux qui lient le pays à d'autres pays. L'Egypte a «retrouvé» son peuple et le peuple a «regagné» son pays. Au terme d'une résistance héroïque et pleine de sacrifices, les Egyptiens ont retrouvé leur dignité et liberté confisquées depuis trois décennies par le président Hosni Moubarak, contraint par une forte pression de la rue à quitter le pouvoir et Le Caire pour sa résidence de Charm El Cheikh. Le président déchu, qui s'accrochait au pouvoir de toutes ses forces, a fini par lâcher prise pour céder le pouvoir à un conseil militaire pour administrer le pays. La puissante armée égyptienne, désormais maîtresse des lieux, a tenu d'emblée à assurer qu'elle ne comptait pas se substituer à «la légitimité voulue par le peuple». Les militaires ont précisé que compte tenu des revendications de «notre grand peuple qui souhaite des changements radicaux, le Conseil suprême des forces armées étudie ces revendications et le tiendra informé au fur et à mesure des décisions». Des scènes de liesse durant la journée d'hier Dès la matinée, avant même le départ du raïs, la grande muette avait assuré qu'elle garantirait «une élection présidentielle libre et transparente et de mettre fin à l'état d'urgence en vigueur depuis 1981». A la place Tahrir, centre de la révolte, des jeunes manifestaient encore hier matin, comme ailleurs dans plusieurs villes du pays. La nuit de joie passée à la belle étoile n'a pas eu raison des jeunes avides de liberté et qui tenaient à leur liberté avec le seul espoir de ne pas se voir confisquer la révolution qu'ils ont payée avec un lourd tribut. Plus de 500 personnes ont été tuées et des milliers blessées. Néanmoins, les images et photos des accolades entre des militaires et des civils sur les véhicules militaires laissent présager une sortie de crise satisfaisante, où le peuple retrouvera la démocratie et ses libertés et surtout son honneur et sa dignité. Cette façon de voir, partagée par des observateurs, est également confortée par la position jusque-là de l'armée, qui après avoir salué militairement «la mémoire de tous les martyrs qui sont tombés», s'est engagée à respecter le peuple et son choix, en promettant une transition pacifique vers un pouvoir civil élu. La police, pourtant mal vue par les manifestants, notamment au début des manifestations, a manifesté samedi à Ismaïliya, grande ville située sur le canal de Suez, pour protester contre la corruption dans ses rangs, en accusant les supérieurs de lui avoir donné l'ordre de tirer sur les manifestants. L'armée tient les rênes du pays Des policiers en uniforme et des membres de la police secrète ont défilé sur la rue principale de la ville en scandant «La police et le peuple ensemble». Par ailleurs, des sources sécuritaires égyptiennes ont fait savoir que 600 prisonniers se sont échappés samedi d'une prison du Caire après des émeutes, et plusieurs personnes ont été tuées ou blessées. Parmi les premières mesures prises par l'armée, l'allègement de quatre heures du couvre-feu en vigueur dans trois grandes villes, dont Le Caire, et le nettoyage de la place Tahrir. Des soldats commençaient, avec l'aide de volontaires civils, à enlever les barricades et barbelés autour de la place. Ils s'attelaient notamment à retirer les barricades érigées à côté du Musée égyptien et retiraient également les carcasses des voitures brûlées, traces des affrontements ayant opposé forces de l'ordre, pro et anti-Moubarak au plus fort de la révolte, qui a fait au moins 300 morts, selon l'ONU. Certains chars stationnés au milieu des rues commençaient à se ranger sur les côtés, mais d'autres étaient encore en position. Sur le pont menant à l'une des entrées de la place Tahrir, des jeunes dansaient, arborant des drapeaux égyptiens et arrêtant les voitures pour féliciter les conducteurs. Certains avaient la voix enrouée tellement ils avaient crié. Dans la journée d'hier aussi, l'armée a demandé au gouvernement actuel de gérer les affaires courantes, après avoir indiqué que l'Egypte respectera tous les traités régionaux et internationaux. Sur ce chapitre, cette déclaration a été faite pour tranquilliser Israël et surtout les Etats-Unis qui ne comptent pas perdre un allié dans cette région stratégique.