Le pouvoir socialiste français restait englué lundi dans les suites de l'affaire Cahuzac, dans l'attente de décisions présidentielles, alors que le climat malsain engendré par les mensonges de l'ex-ministre du Budget s'est encore alourdi. Pressé de prendre une initiative forte après le séisme qui a assommé l'exécutif (et le parti socialiste) aux commandes de l'Etat depuis onze mois, le président François Hollande prépare des mesures-choc de moralisation de la vie politique pour tenter de sortir du premier scandale de son quinquennat. Près d'une semaine après les aveux de Jérôme Cahuzac sur sa détention depuis une vingtaine d'années d'un compte bancaire secret à l'étranger, l'opposition de droite ne baisse pas la garde. "Les jours du gouvernement sont comptés", a ainsi lâché ce week-end Xavier Bertrand, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, député du parti UMP qui réclame un remaniement gouvernemental. Lundi, le climat délétère qui règne en France s'est accentué avec une rumeur relayée par le quotidien Libération, selon laquelle le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, serait lui aussi détenteur d'un compte bancaire en Suisse. Le numéro deux du gouvernement a aussitôt fait savoir qu'il démentait. "Je démens formellement la rumeur, relayée par Libération dans son édition du lundi 8 avril, m'attribuant un compte en Suisse. Elle ne repose sur aucun élément matériel et est dénuée de tout fondement", a écrit M. Fabius dans un communiqué, en annonçant des "procédures juridiques permettant de le démontrer et de faire cesser la diffusion de ces informations fausses et calomnieuses". L'une de ses collègues, la ministre déléguée aux personnes handicapées et à l'exclusion, Marie-Arlette Carlotti, a choisi pour sa part de publier lundi sa déclaration de patrimoine sur son blog, dans un souci de "transparence". Dimanche, le scandale Cahuzac avait rebondi avec l'affirmation par la télévision publique helvétique (RTS) que l'ex-ministre au Budget avait cherché à placer 15 millions d'euros en Suisse en 2009. Cette information a été réfutée par son avocat, Me Jean Veil. Dégoût à l'égard du monde politique Face à l'urgence d'assainir la vie politique, le gouvernement travaille à un projet de loi basé sur des mesures annoncées mercredi: réforme du Conseil supérieur de la magistrature pour "renforcer l'indépendance de la justice", lutte "impitoyable" contre les conflits entre intérêts publics et privés avec la "publication et le contrôle" du patrimoine des ministres et parlementaires, "interdiction de tout mandat public" pour les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale et corruption. Un temps évoquée, l'hypothèse d'un remaniement gouvernemental rapide semble remisé à plus tard. François Hollande a fait valoir que le scandale Cahuzac était le fait d'un homme et non la responsabilité de l'exécutif. Pour le quotidien Le Figaro, proche de l'opposition, "la rupture s'amplifie entre les Français et leurs élus". Selon un sondage OpinionWay pour le journal et la chaîne de télévision LCI, 77% des Français estiment que leurs élus sont "plutôt corrompus", 36% des sondés exprimant du "dégoût" à l'égard de la politique. "La population a été ébranlée dans ses profondeurs, il y a aujourd'hui une rupture de confiance avec le monde politique", reconnaît-on dans l'entourage du chef de l'Etat. Sur le terrain, élus et militants socialistes s'efforcent de se "serrer les coudes" et de contrer le risque d'une "montée des extrêmes", à gauche comme à droite. "C'est Cahuzac qui a commis une faute. Mais maintenant, c'est à nous, les militants, de réparer les dégâts", note Jean-Pierre Bazerolle, un militant retraité de la région parisienne. Dimanche, un référendum sur un projet de fusion inédite des collectivités départementales et régionale d'Alsace (est) s'est soldé par un cuisant échec. Pour certains élus, il est notamment dû à une très forte abstention liée au rejet du monde politique par les Français.