Ce rush des masses laborieuses intervient à moins de quatre jours de la grève générale. La longue procession humaine, hier, aux portes du Groupe Khalifa en dit long sur le malaise qui mine la majeure partie de la société algérienne, notamment la frange «bardée de diplômes» mais qui n'arrive pas encore à trouver ses marques dans une société en pleine mutation, car, hier, à Chéraga où l'on «recrutait», il n'y avait pas que des chômeurs, mais des respectables fonctionnaires en exercice. Bravant le qu'en-dira-t-on, ils ont quand même tenu à tenter leur chance auprès du Groupe Khalifa qui recrute à tour de bras. Ce rush des masses laborieuses intervient à moins de quatre jours de la grève que l'Ugta projette d'organiser pour faire barrage à des privatisations qu'elle juge non encore au point. Jeunes et moins jeunes, en chômage ou supposés l'être par dizaines, voire par centaines ont répondu présent à l'appel du puissant groupe de Abdelmoumen. Ce qui en dit long sur la volonté des Algériens de se démarquer d'un système économique qui cherche encore ses marques et quelque part sclérosé, d'autant que le pouvoir d'achat de la majorité de nos concitoyens ne cesse de s'effondrer au moment où le taux de chômage atteint le seuil alarmant des 30 %. En répondant en masse à l'offre d'emploi de Khalifa, ils n'espèrent rien d'autre que s'en sortir, coûte que coûte; cela est particulièrement vrai pour les travailleurs de la Fonction publique dont certains, présents dans la longue chaîne d'hier, n'ont pas hésité à troquer une situation «tranquille» mais mal payée contre quelques dinars de plus espérés chez le magnat algérien. En effet, ces représentants de la classe moyenne algérienne, de guerre lasse, ne croient plus en rien sauf peut-être à l'argent dont un cruel quotidien ne cesse de leur rappeler l'impérieuse nécessité. Une classe moyenne formée en majorité de travailleurs de la Fonction publique; une Fonction publique dont justement, le statut est, à ce jour, tributaire des injonctions de la Banque mondiale et autres FMI avec tout ce que cela sous-entend comme restrictions budgétaires dont les premiers à faire les frais sont les représentants de la classe moyenne qui, sous d'autres cieux, sont le moteur de la société. Ils étaient également des étudiants bardés de diplômes, et qui savent pertinemment que l'hypothétique poste de travail que leur fait miroiter leur diplôme relève tout simplement du rêve. Que dire encore de ces transfuges des entreprises déstructurées aux compétences bien réelles, mais ne trouvant pas preneur. Ainsi donc, la longue file humaine résumait, à elle seule, tout le marasme dont souffre encore la société algérienne. Des personnes ont pris leur courage à deux mains et frappé aux portes de l'investisseur algérien pour un poste de travail avant tout synonyme de bonne rémunération. Ont-elles eu un «job»? Qu'à cela ne tienne, elles auront rêvé, le temps d'une chaîne qui aura réussi à marquer les esprits de par son ampleur ce qui en fait un phénomène à part entière dans un pays où beaucoup de choses restent encore à faire et où les besoins demeurent encore immenses notamment sur le plan social, en pleine effervescence et où beaucoup de choses restent à améliorer.