Les futurs acteurs de la scène politique irakienne post-Saddam réussiront-ils à assurer une stabilité durable à leur pays. La guerre américano-britannique en Irak n'est pas encore terminée. Mais, déjà sa suite politique s'annonce mal entamée. En effet, bien que la campagne militaire batte son plein à Bagdad même, pour faire partir du pouvoir Saddam et son régime politique, autant les contours, la configuration, voire la nature du futur édifice politique et institutionnel que l'équipe qui présidera de l'avenir de l'Irak sont mal définis. Tout ce qu'il y a, c'est que les prétendants au poste de Saddam sont nombreux et s'agitent sans toutefois prouver leur ancrage ou leur représentativité au sein de la société irakienne. Entretenus et aéroportés par les stratèges anglo-américains, ils sont en train de jouer le rôle qui leur a été dévolu par les laboratoires politico-militaires des centres de recherches US: celui d'opposants préfabriqués ou clés en main au régime baâsiste irakien. Parmi ces acteurs tout désignés qui animeront la scène politique et politicienne irakienne dans les jours et les semaines à venir, trois personnalités émergent du lot. Sous la coupe réglée de l'administrateur militaire américain, le général à la retraite Jay Gardner, connu pour ses liens avérés avec l'industrie de l'armement du Pentagone et les lobbies pro-israéliens, il y a d'abord le très connu Ahmed Chalabi, très subordonné à la Grande-Bretagne par le passé et aujourdhui aux Etats-Unis. Très controversé, sans aucun militant à l'intérieur de l'Irak et très discrédité, le président du fameux Congrès national irakien (CNI) est considéré par la plupart de ses compatriotes irakiens comme un escroc qui a détourné les fonds destinés à l'opposition et qui de surcroît provenaient de l'Oncle Sam. De plus, cet homme, qui a quitté très tôt l'Irak, en 1956, est non seulement déconnecté des réalités internes irakiennes, mais également accusé de malversations financières et de détournement d'argent en Jordanie après la faillite de la célèbre banque Pétra qu'il dirigeait alors, ruinant au passage dans les années 80 des milliers d'épargnants jordaniens et libanais. Et pour boucler la boucle, Chalabi n'a pas non plus de projet politique de rechange clair pour son pays, tergiversant sur la démocratie, le fédéralisme réclamé par les Kurdes et les sanctions contre une partie du régime actuel, des militaires surtout, qui ont rejoint sur le tas le CNI ajoutant au discrédit de ce dernier et à son manque de transparence. Il y a ensuite, ce Chérif Ali Ben Al Husein, (cousin du roi Fayçal II, dernier souverain d'Irak avant son renversement par la révolution de juillet 1958), qui a fondé en 1993 à Londres le surréaliste Mouvement pour la monarchie constitutionnelle. Intégrant tout de suite le CNI, il a pour ambition de réinstaurer en Irak la royauté et de préférence sur le modèle de celle prévalant en Grande-Bretagne ou tout au moins similaire à celle existant dans la Jordanie voisine. Enfin, l'énigmatique général Nizar Khazréji, jusqu'à présent réfugié au Danemark, mais qui a été exfiltré par les services de la CIA qui auraient organisé son départ au Koweït afin d'aider les stratèges de la coalition anglo-américaine dans sa traque du président irakien et de son équipe. Ce sunnite, qui a été chef d'état-major dans l'armée irakienne, aurait constitué le candidat idéal pour la succession de Saddam. Seulement voilà, il aurait les mains tachées du sang des 5000 morts kurdes gazés à Halabja en 1988. Comme on le voit donc, tout ce beau monde auquel, il faut ajouter le très discret ex-ministre des Affaires étrangères, Adnan Pachachi, exilé aux Emirats arabes unis, a l'ambition de faire oublier au peuple irakien plus de deux décennies de règne sans partage de Saddam Hussein. Reste une autre personnalité qui représente une force non négligeable, car présente sur le terrain, mais que les Américains feignent de ne pas voir et encore moins d'aider: il s'agit de l'ayatollah Seyid Mohammed Baker Al Hakim, chef de l'Assemblée suprême de la révolution islamique en Irak ( ASRII ) actuellement en position d'attente et de neutralité active. Pourtant, c'est dans les rangs de ces personnalités regroupées ou atomisées que les «libérateurs» américains échafaudent leurs plans politiques pour trouver une solution concrète pour l'Irak post-Saddam.