Du fait même de l´évocation par le président plus que d´honneur de la Cnag d´une réhabilitation du FIS, on pourrait être tenté d´avancer la thèse selon laquelle les autorités qui s´étaient souciées de conférer une couverture populaire à la lutte antiterroriste en médiatisant les «ridjaloun wakifoun» n´ont pas réussi à retirer la couverture politique aux groupes armés. Ceci expliquerait que les moyens «militaires» ont pu être supposés avoir atteint leurs limites, quels que soient les efforts apportés à l´architecture, le dimensionnement, l´emploi des forces et l´organisation du renseignement pour les adapter à lutter contre une violence qui s´alimente à des motivations et à des objectifs politico-religieux. Il est vrai que les moyens de sécurité ont réduit considérablement les capacités opérationnelles des groupes armés dans le sens où ces derniers ne constituent plus une menace majeure capable de provoquer l´effondrement de l´Etat, mais l´éradication de ces groupes ne s´annonce pas pour le court terme. Les moyens de sécurité ont rempli ce qui peut être leurs missions, mais n´ont pas été accompagnés par le traitement des motivations des groupes armés, celles-là même qui permettent à ces derniers d´y puiser les éléments de justification de leur «lutte» et d´endoctrinement de nouveaux jeunes vulnérables psychologiquement. Dans l´exploration d´une voie non militaire, l´approche que voulait faire l´Algérie officielle du traitement du terrorisme est prise en étau entre les Américains qui ont inscrit le Gspc et le GIA dans leurs tablettes des organisations terroristes et l´Union européenne qui les a ignorées en tant que telles et qui considère toujours que l´Algérie connaît une situation de conflit interne armé, les massacres pouvant être mis sur le compte des infractions politiques incriminables. Si l´Algérie adopte la vision américaine, elle doit investir dans le tout sécuritaire, encore que dans le cas de l´Irak, les Etats-Unis sont disponibles à négocier avec les «rebelles» qualifiés avant cela de terroristes. Les Américains sont donc prêts à conférer des motivations et des objectifs politiques aux «insurgés» car il est maintenant prouvé que les moyens militaires qu´ils ont employés ont déjà atteint leurs limites. Par contre, si l´Algérie adopte la vision européenne, à savoir que tous les éléments constitutifs d´un conflit interne armé seraient réunis, à savoir des élections interrompues, une victoire électorale confisquée, un parti insurgé, une insurrection armée, elle doit investir dans le tout-politique. Le tout-politique implique obligatoirement le dialogue entre toutes les parties en conflit. Conformément au traité de Rome, c´est le FIS qui est l´autre partie liée au conflit. Aït Ahmed avait déjà expliqué à Sant´Egidio comme un accord à combiner entre «politiques» de façon à éviter un accord entre «militaires». C´est pour cela que Ben Bella a parlé du FIS, de Abassi Madani, de Ali Benhadj à réhabiliter et à intégrer au dialogue, à réintégrer au jeu politique sans faire référence aux émirs des mouvements armés. Quant au président Bouteflika qui est maître de la décision à prendre en fonction de l´option qu´il aura choisie, il avance prudemment en s´accordant le temps et les moyens d´évaluer les rapports d´opinion qui sortiront du débat lancé par presse interposée.