S´il y a bien un délit que la justice et les juges redoutent, c´est celui relatif aux coups sur ascendants. Sensible, ce délit délicat, les débats. Douloureuses les déclarations. Pénibles les témoignages. Muets, les regards. Vaines les excuses. Au milieu, l´action publique se débat et le juge... juge! Il juge en s´attendant à de mauvais tours du «foie» (el kebda), ce sentiment paternel ravageur et surtout base de problèmes à ne pas en finir. Papa Omar est un vieux qui mange du pain noir depuis qu´il a envoyé son fils Toufik en taule avec la méchante plainte de «coups sur ascendants». Papa Omar croit que la machine judiciaire est un match de foot où l´envahissement du terrain fait cesser les hostilités. Papa Omar ignore tout des procédures judiciaires avec un Code pénal «halouf», un mélange égypto-napoléonien, le tout salé d´une pincée de traditions locales. Papa Omar est arrivé tôt dans la salle d´audiences du tribunal de Koléa (cour de Blida), décidé à pardonner au rejeton, décidé à faire de l´oeil au juge, à crier qu´il va lui pardonner à condition qu´il le laisse désormais en paix. Mon oeil, papa Omar, ce n´est pas si facile. Et d´ailleurs, Hadj Barik, le président, a vite compris la «sortie» du papa qui est, tout de go, prié d´appeler les témoins qu´il a cités devant le procureur. «Ce n´est plus la peine, M.le président, je lui pardonne. Je suis malade de le voir sortir du box amaigri, mal foutu, plein de remords», balance-t-il avec beaucoup de peine et surtout de regrets d´avoir poursuivi son rejeton à la mine décomposée. Le magistrat se fiche de l´état d´âme du père-victime. Il dit: «Vous croyez freiner l´action publique. On a dû vous prévenir que c´était dur d´envoyer son sang en taule. Ne croyez surtout pas que votre désistement efface tout, tout de suite et sans suite. Détrompez-vous, hadj», avertit le juge qui demande au «gamin» de 30 ans s´il a insulté, injurié, agressé son père. Il répond, affolé, par la négative. Hadj Rabah Barik n´insiste pas et se retourne vers le papa qui se tient à cinq mètres de son fils. C´est dire la trouille. «Alors, oui ou non, votre fils vous a fait tout ce que je lis sur le P.V. d´audition? S.V.P, ne faites pas perdre du temps au tribunal, répondez seulement par oui ou par non!», insiste le président qui voit le fils gigoter et Omar Hadj se taire. Toufik s´écrie qu´il n´a jamais rien fait au papa. «Il est respecté. Je vous jure que je n´ai jamais levé la main sur lui, c´est mon père», proteste le jeune. Ça y est, le juge est fixé. Il prend acte des demandes de Samir Hamel, le beau procureur au regard de feu: «Six mois ferme» de prison et une amende conséquente. Hadj Barik préfère lire le verdict en fin d´audience, histoire de faire plus peur au père, au fils mais pas aux saints d´esprit. Le sursis est largement accordé, juste de quoi éteindre le feu qui «vit» dans les entrailles du papa. Ah! ces histoires de famille qui prennent beaucoup de temps aux juridictions et aux magistrats qui ont d´autres chats à fouetter, comme le souligne fort bien Maître Far (tiens, tiens!).