Le geste très fort du pouvoir en direction des ârchs aura pour conséquence de précipiter les événements et de couper l'herbe sous le pied du RCD. C'est à un véritable coup de théâtre que nous avons assisté hier. Le pouvoir, en effet, vient de prononcer la mise en liberté provisoire de l'ensemble des délégués emprisonnés de ce mouvement. L'on se souvient que même si les ârchs avaient accepté le principe d'aller vers un nouveau dialogue avec le pouvoir, ils n'en avaient pas moins exigé comme préalable «la libération immédiate et inconditionnelle de l'ensemble des délégués détenus». Voilà qui est fait. Hier, dans le courant de l'après-midi, l'ensemble des prisonniers, aussi bien à Tizi Ouzou qu'à Béjaïa et Bouira, a été mis en liberté provisoire sur demande expresse des procureurs de la République. L'honneur de la justice étant sauf, de même que son indépendance. Plus aucun obstacle ne se dresse désormais sur la voie du dialogue entre les délégués et les représentants du pouvoir. Cette fois-ci, il faut le croire, les choses iront vite et bien, comme l'exemple vient de nous en être donné avec cette libération, attendue certes, mais non de cette manière rapide, qui a mis en émoi, hier, la Kabylie, mais aussi le pays tout entier. L'ensemble des citoyens rencontrés hier dans la région par nos correspondants s'accordait à dire, non sans émotion, que plus rien désormais ne s'opposait au dialogue et qu'il fallait en finir une bonne fois pour toutes avec cette crise qui n'a que trop duré. Le Président, qui avait déjà promis implicitement ces libérations, a tenu parole et est passé à l'action bien plus vite que nous n'étions en droit de le penser. Le Chef du gouvernement, qui semble avoir les coudées franches, contrairement à son prédécesseur, a joint l'acte à la parole immédiatement en donnant suite au seul préalable exigé par les délégués avant tout dialogue officiel avec les représentants du pouvoir. Yazid Zerhouni, semble-t-il dessaisi du dossier, ayant déjà fort à faire avec la gestion de la tragédie causée par le séisme du 21 mai dernier, n'est pas venu interférer dans cette affaire. Ouyahia, croit-on savoir, a déjà ficelé l'ensemble des dossiers à débattre avec ses vis-à-vis. Le dialogue, qui pourrait commencer dès le début de la semaine prochaine, une fois adoptées la loi de finances et la loi sur les disparus du séisme par le Sénat, ne prendrait pas plus d'une quinzaine de jours, contrairement au précédent, qui avait duré plus de quatre mois, qui, même s'il s'était soldé par des acquis identitaires et matériels certains, s'était achevé en queue de poisson puisque les ârchs avaient rejeté en bloc tout le processus et avaient désavoué publiquement ceux qui avaient pris part à ces négociations. Ce geste, il faut le dire aussi, coupe définitivement l'herbe sous le pied des délégués proches du RCD, déjà désavoués à Béjaïa et Bouira et ne disposant que de quelques «bastions» à Tizi Ouzou. Contraints, désormais, d'évoluer à visages découverts, ils étaient allés chercher leurs ordres, il y a de cela trois jours, chez leur président, le Dr Sadi, dans une vaine tentative de faire capoter les négociations en émettant des conditions absolument irréalisables. L'objectif recherché, mais inavoué, étant de maintenir la Kabylie dans un état d'instabilité et d'insécurité constant, de poignarder dans le dos le FFS et de tenter de se remettre en selle à la faveur de la future présidentielle d'avril 2004. Les délégués, de leur côté, ont entrepris de renouveler leurs mandats auprès des citoyens tout en leur expliquant la nature et les objectifs recherchés à travers ce nouveau dialogue, décisif il faut le croire. Ces meetings, «autorisés» par l'ensemble des représentants de l'administration locale, visent également à sonder la base et à s'assurer que rien de «fâcheux» ne se produira pendant que le dialogue se déroulera. Les délégués, qui sont censés être les représentants légitimes des citoyens de leurs communes et villages respectifs, avant de se mettre autour de la table des négociations, vont s'engager auprès des pouvoirs publics. La fin de cette crise, qui n'a que trop duré, semble être, enfin, en vue. Le processus est bel et bien enclenché et rien, ni personne, ne semble en mesure de l'arrêter...