Pour se faire entendre, certains organisent des marches et des manifestations. Mais de nombreux citoyens choisissent un autre mode d'expression: la grève de la faim. La grève de la faim est un moyen de revendication qui s'apparente beaucoup à un pari. N'était la valeur de la mise : la vie. Son but est de créer le maximum d'effet. De frapper les esprits en prenant à témoin l'opinion publique, par presse interposée. L'objectif pour ses acteurs étant de récolter les dividendes de toute «négociation». Néanmoins, on ne peut omettre qu'elle soit l'ultime recours des «faibles» pour dénoncer un abus, une injustice. Ainsi cette forme d'expression politique et sociale occupe de plus en plus les devants de la scène, violente, extrême: certains y ont recours une fois rompue les ponts du dialogue. Qui pour un droit, qui pour un idéal... Qui pour un logement: des citoyens l'adoptent au péril de leur vie. Car au bout de quelques jours d'inanition, beaucoup flirtent avec la mort. Qu'ils soient syndicalistes, militants de tout bord ou simples citoyens, beaucoup, continuent à fouler les âpres sentiers du jeûne volontaire. Ce moyen de protestation est assez récent en Algérie. Il y eut déjà des grèves de la faim dans le sens politique d'abord, se limitant à des cas isolés, individuels. Tels ces deux ingénieurs algériens licenciés abusivement par la firme internationale Bull. Et qui ont observé une grève de la faim à la Maison du peuple en 1991. Ou les membres de l'association El-Amel, représentant les 38 familles évacuées de leurs bidonvilles en 1996 et qui attendent toujours d'être relogés. Ils brandissent encore la menace de la grève de la faim. L'argument de ces «transitaires» est qu'ils ont épuisé tous les recours en s'adressant à toutes les autorités compétentes. Ils dénoncent un déni criant de leur droit de citoyens à part entière. En désignant d'un doigt accusateur la hogra et le despotisme. De même, le calvaire des syndicalistes de Geni Sider, en grève de la faim, n'a trouvé son épilogue que ce week-end. C'est loin d'être le cas pour les cadres du SNAPAP que la faim tourmente depuis treize jours. Ils observent toujours leur mouvement de grève au siège du Snapap à la Cité Ismaïl-Yefsah à Bab Ezzouar. Au dixième jour déjà il y a eu l'évacuation par le Samu de M. Bedrane Lahcène, secrétaire national chargé des finances et des moyens, souffrant d'un malaise cardiaque. Son cas a été jugé très grave après constat médical. Il a été évacué vers l'hôpital Z'mirli d'El Harrach. Ceci sans citer les cas d'hypoglycémie de plusieurs autres syndicalistes. Au onzième jour de la grève, M. Traka Farid a été évacué vers l'hôpital d'El Harrach pour avoir craché du sang et dans l'après-midi de la même journée se fut l'évacuation de Mme Ghozlane Nacéra pour perte de connaissance, vers l'hôpital de Rouiba. Dans l'attente d'une réaction des pouvoirs publics, les cadres du Snapap entendent poursuivre leur mouvement et informent qu'une réunion avec les syndicats autonomes aura lieu aujourd'hui 19 août 2001 à 11h au siège du Snapap. Pour M. Rachid Maâlaoui, secrétaire général du Snapap, l'actuel mouvement est d'essence sociale: Nous voulons arriver à régler le problème des libertés syndicales pour mieux régler les problèmes sociaux des travailleurs, car ce n'est qu'une fois la liberté syndicale instaurée que la grève n'aura plus de raison d'être. C'est alors que des négociations et des consultations permanentes éviteront aux travailleurs d'être lésés dans leurs intérêts et d'avoir recours à des actions qui bloquent l'économie algérienne.» Pour le moment et selon M. Maâlaoui, il s'agit d'éviter la liquidation pure et simple de 1.400.000 travailleurs. C'est dire l'ampleur du combat qui reste à mener sur le front social, et d'où l'assertion de ce syndicaliste: «La grève de la faim reste toujours indéterminée.» Mais le SOS du Snapap à l'intention du Président de la République est bien tangible. D'ailleurs, les grévistes se demandent: «Qu'est-ce qui retient le pouvoir de répon- dre à nos doléances?» Une attente qui figure même dans leur plate-forme de revendications Art 11: «Suite à l'abrogation de la loi 78-12 portant statut général du travailleur, le fonctionnaire est laissé sans cadre juridique, le maintien sous perfusion du décret 85-59 par simple télégramme de la DGFP alors que la loi mère est abrogée depuis onze ans, malgré l'engagement des gouvernements successifs quant à la mise en place d'un statut général de la Fonction publique, aucun texte y afférent n'a été promulgué laissant le terrain ainsi aux circulaires et décrets contradictoires qui ont institué des grades intermédiaires sanctionnant la carrière du fonctionnaire.» Ou comme stipulé dans l'article 16: «Nous revendiquons à ce que soit mis fin à toute forme de pression d'intimidation et de parti pris que subissent les syndicalistes autonomes et nos adhérents et surtout l'intervention des hauts responsables de l'Etat comme cela a été le cas le 21 mars 2001 par un télégramme n°104 signé du nom du ministre de l'Intérieur ordonnant au wali de prendre parti.» Finalement, le Snapap, dont neuf membres sont actuellement hospitalisés, souffre d'une soif de reconnaissance. Leur message est fort et sans équivoque: «Non à l'injustice.» Ne faisant pas de quartiers pour l'UGTA, les cadres du Snapap sont pour un face-à-face à la télévision nationale entre les leaders des deux instances syndicales. A ce propos l'article 10 de la plate-forme de revendications du Snapap stipule: «L'attribution par l'Etat de la couverture médiatique par le biais de l'ENTV en triplex à l'UGTA et l'assistance même du ministre pour rappeler les troupes et l'exclusion des syndicats autonomes de cette couverture, constitue un parti pris et un autre moyen de soutien illégal.» A ce stade, ce n'est pas de nourriture dont les grévistes ont besoin, mais d'oxygène: celui qu'apporte la communication. Car tous ces syndicalistes en grève se demandent inlassablement: «Les réformes peuvent-elles se passer d'humanité et de justice?». Le cas Snapap ne peut plus laisser indifférent. Le malaise dans le monde du travail n'a que trop duré : les travailleurs, tous les travailleurs, ont besoin de réponses sincères