Mettre les maux de société à nu à travers sa folie, tel est l'exploit auquel s'est attelé tant bien que mal le metteur en scène... Célèbre dans les années 80, Khaled Barkat marque son retour sur scène, non en tant que chanteur cette fois, mais comme comédien et metteur en scène, une audace qui lui revient en inventant toute pièce l'histoire d'une comédie plutôt dramatique dont la générale a eu lieu mercredi dernier à la salle El Mougar. Une première pour ainsi dire qui s'est déroulée, hélas, devant un public peu nombreux. Basée sur la pantomime, la pièce met en scène les différentes péripéties d'un chef d'orchestre acculé par le mauvais sort à la déchéance. Pièce très allégorique se passant de commentaire ou de dialogue. Le chef d'orchestre raconte comment celui-ci victime et accusé d'un vol qu'il n'a pas commis, se trouve en prison. En cellule, il est de nouveau une victime, malmenée par d'autres bourreaux que l'existence a oubliés au fond d'un cachot. Mais un jour, la vie sourira de nouveau à ce chef d'orchestre au moment où il s'y attendra le moins. Il croise l'amour au bord d'un banc. Une jeune demoiselle lisant un bouquin... Un autre la remarque. S'ensuit une bagarre pour les beaux yeux de la demoiselle...Le ciel du chef d'orchestre s'éclaire sur une note d'espérance. L'homme qui rudoyait le chef d'orchestre en prison, est lui aussi libéré. Ces derniers se retrouveront par la suite à noyer leur chagrin au fond d'une bouteille. Et s'assombrit de nouveau le ciel...Tous ces saugrenus personnages vont de façon absurde reconstituer une sorte d'orchestre que le chef tentera tant bien que mal de diriger. Car la baguette lui échappe par moment des mains. Elle n'obéit plus comme avant au maître. Elle lui file des doigts. Elle s'est «enrhumée» depuis qu'elle a été délaissée... Le chef d'orchestre ne contrôle en fait plus rien. C'est un aliéné à qui personne n'accorde de crédibilité. Peut-on se racheter aux yeux de la société d'ailleurs quand celle-ci vous a rejeté, marginalisé? Si la pièce tarde à prendre son élan et à s'envoler au début, il faut bien s'accrocher solidement, pour voir le reste. Le désespoir et le cynisme traversent de bout en bout le lyrisme de cette pièce. Khaled Barkat y est pour quelque chose quand on sait qu'il est l'auteur des tableaux musicaux qui accompagnent la pièce, sans oublier la collaboration de A. Torqui. Dans Le Chef d'orchestre, le geste est plus fort que la parole. Le langage devient universel donc, accessible à tous. «La bêtise est aussi universelle, qui quand elle ne tue pas empêche de vivre et violente tes instincts», lit-on dans le synopsis. Khaled Barkat aborde un thème vieux comme le monde, la bêtise tyrannique de l'autre et ses fâcheuses conséquences. C'est peut-être le choix de l'illustration qui, par son jeu de rôle innove à la lumière de l'interprétation. Comme le démontre cette scène choquante qui révèle une profonde détresse de l'être humain qui, en manque de nourriture devient une proie pour son semblable. Nous voyons bien dans la pièce deux hommes mangeant un l'autre. Et cette femme réduite à la mendicité, découpant une main et, l'ayant mise dans une assiette, porte à sa bouche un morceau de viande de cette chair-là... Triste destin et triste parcours pour arriver là, au bas de l'échelle...au rang d'un animal. Il n'y a qu'un artiste pour ressentir ces choses-là et donc, pouvoir les exprimer avec force et poésie. Telle cette fleur narguant peut-être le vide du désespoir. Enfin, du néant. Des situations grotesques et caricaturales ! En fallait-il pour dire le chaos intérieur de l'homme? Il n'y a pas plus patent que ces deux clochards buvant à tout-va et fumant du shit. Un tabou que le metteur en scène a su judicieusement incarner que pour mieux dire finalement les choses de la vie. Même celles qui font peur et suscitent le dégoût. Car ceci est finalement le résultat de la bêtise humaine.