«Tous les militants du PT sont syndicalistes à l'Ugta. Mais le jour du scrutin, ils voteront pour le candidat de leur parti.» C'est une Louisa Hanoune passion-née, assumant et arborant pleinement son «nationalisme étriqué» qui a pris la parole hier au CIP, histoire d'expliquer les raisons qui motivent sa candidature, mais aussi celles qui font qu'elle garde ses distances par rapport au front anti fraude d'une part, et le pouvoir d'autre part. Jamais, depuis l'indépendance, l'unité de la nation n'a été autant menacée. C'est ce qui ressort des propos de la secrétaire générale et candidate du PT. Un plan savamment échafaudé serait même derrière le grave engrenage qui se profile en ce sens. «L'Etat-nation est menacé dans ses fondements. Nos craintes sont fondées. Nous assistons à une escalade politique en parallèle à un ballet de personnalités étrangères représentant l'alliance contre l'Irak et le peuple palestinien». C'est ce qu'explique Louisa Hanoune, avant d'ajouter que «le mouvement politique qui se fait appeler archs remet lui aussi en cause les fondements de la République puisqu'il a une représentativité régionale, voire ethnique». Le PT, qui rappelle avoir été le premier à demander l'officialisation de tamazight en 1974 sans passer par un référendum, n'en estime pas moins que «la conclusion d'un accord avec ce mouvement signifierait l'éclatement de l'Algérie». Elle cite en vrac les exemples du Zaïre, du Rwanda, de la Côte d'Ivoire et de la Yougoslavie, non sans préciser que pour le cas de l'Algérie les choses sont encore plus dangereuses. Louisa Hanoune, qui cite le rapport Sbih, prévoyant des regroupements sur la base «d'affinités communautaires», s'indigne que les «officiels soient en train de ressusciter tout ce que la révolution algérienne a réussi à vaincre, tels que le tribalisme et le régionalisme». Le PT, donc, «prend part à ce scrutin aux fins d'expliquer aux citoyennes et citoyens la nature et la gravité de la crise, mais aussi pour les aider à la surmonter». C'est ce qui explique, du reste, le fait que le PT se soit refusé à prendre part à un quelconque front antifraude ou antipersonne. «Il s'agit pour nous de préserver l'unité de la nation, sérieusement mise en péril, et non pas de discuter des modalités pratiques de déroulement de ce scrutin. Des fraudes et des dépassements, il y en a toujours eu. Ce n'est donc pas nouveau. Nous participons pour chercher les solutions ensemble afin que les étrangers ne trouvent pas les prétextes de venir arbitrer un scrutin alors qu'il ont fort à faire en Irak et dans bien d'autres régions embrasées par eux». Fièrement, calmement, Louisa Hanoune déclare assumer son «nationalisme» que d'aucuns pourraient trouver «étriqué». Louisa Hanoune, toutefois, ne renonce pas à des actions communes et concertées avec les autres candidats: «Nous en appelons à une charte commune à travers laquelle les candidats s'engageraient à respecter les règles morales liées à la pratique politique, mais aussi pour éviter toute ingérence étrangère dans nos affaires internes.» Dans le même temps, et en réponse à une question, Louisa Hanoune «dénonce aussi bien l'instrumentalisation des mosquées contre un journal que les dépassements commis par certains titres, allant jusqu'à toucher des côtés intimes de certains responsables au lieu de les critiquer sur le plan strictement politique». Toujours dans le cadre du traitement de la crise algérienne et des risques de schisme qui menacent le pays, Louisa Hanoune souligne que «l'Ugta se doit de se montrer neutre. Tous nos militants sont membres de l'Ugta. Mais ils voteront pour le PT. Si la Centrale prend position dans ce scrutin, elle ira inéluctablement vers son éclatement. Or, l'unité ouvrière est le ciment de la nation». Idem pour l'Armée dont la neutralité est saluée par le PT. «Si cette institution devait s'impliquer dans ces terribles conflits, nul doute qu'elle mettrait en péril son unité.» Pour ce qui est des émeutes qui ont éclaté un peu partout dans le pays, Louisa Hanoune relève que même si la presse parle de possibles manipulations, il ne fait aucun doute que «les citoyens ne se seraient pas soulevés de cette manière s'ils n'avaient pas eu de bonnes raisons. La situation est désastreuse sur le plan social puisque même la hausse du Smig n'a pas profité à tous. Quant aux recrutements dans le Sud (comme l'admet l'Ugta elle-même), ils se font dans un cadre de sous-traitance proche de l'esclavagisme». En réponse au fameux deuxième tour Bouteflika-Djaballah, Louisa Hanoune refuse que ce dernier soit qualifié de Le Pen, ajoutant que «le fascisme, s'il peut prendre naissance en France, est tout simplement impensable en Algérie». Idem, pour son soutien de principe à Ali Benhadj. «Je pense que personne ne doit dénier à quelqu'un le droit de se présenter à l'élection présidentielle». Louisa Hanoune, qui se défend de tout deal conclu avec une quelconque partie au pouvoir, souligne finement que «les positions du PT se sont exprimées sur le terrain et au Parlement. Les avancées démocratiques qu'il a voulu faire franchir au pays ont été bloquées par ceux-là mêmes qui prétendent se battre pour la souveraineté populaire». Le PT ne prendra le pouvoir ou n'entrera au pouvoir que s'il a une majorité qui lui permette d'appliquer son programme. Un programme basé sur la renationalisation, l'encouragement du secteur public, la relance des investissements tant publics que privés, la hausse du Smig à 24.000 DA, la convocation d'une conférence nationale algérienne et, enfin, le retour vers le peuple pour qu'il choisisse librement aussi bien ses institutions que ses lois. Une alternative qui ne semble pas déplaire au peuple algérien à voir l'importance grandissante que prend le PT et l'aura nationale dont jouit sa passionaria algérienne.