Le siège du Conseil constitutionnel En 50 ans d'indépendance, l'Algérie a changé à sept reprises sa loi fondamentale, soit une Constitution, nouvelle ou amendée, presque tous les sept ans. C'est le chef de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, qui conduira, au début du mois de juin, les consultations politiques pour cette révision comme l'a annoncé le communiqué du Conseil des ministres de mercredi dernier. Appréhendé par l'opposition dans une optique de diversion, avancé comme un véritable challenge à relever, le projet de la révision de la loi fondamentale jette les premiers jalons d'un débat public. «Il s'agit d'une véritable opportunité pour des joutes politiques en vue d'aboutir à un projet constitutionnel qui résistera aux humeurs politiques et au changement des hommes», estiment les observateurs. Les échanges sont rudes pour un début. D'un côté, l'opposition qui veut faire table rase en revendiquant une transition qui passe inévitablement par des législatives anticipées. De l'autre, le pouvoir qui refuse cette option, mais qui fait déjà une première concession en acceptant d'aller vers de nouvelles consultations. Il faut rappeler qu'en avril 2013, le président Bouteflika a mis en place la commission d'experts chargée d'élaborer un avant-projet de loi sur la révision constitutionnelle. Les consultations ont été menées par Abdelkader Bensalah et les conclusions de ces consultations n'ont jamais été rendues publiques. Ces nouvelles consultations sont donc un clin d'oeil à l'opposition pour aller, comme le souhaite le président Bouteflika au lendemain de sa réelection pour un 4e mandat «vers une révision constitutionnelle «consensuelle» à laquelle seront associées les forces politiques, les principales représentations de la société civile ainsi que les personnalités nationales». Mais quelle Constitution veulent les Algériens? Etant la norme suprême de l'Etat, le législateur se doit de donner à l'Algérie une Constitution qui ne changera pas au gré des tendances agissantes au pouvoir en place. Le challenge du législateur algérien est d'élaborer un texte qui restitue fidèlement les aspirations du peuple. En 50 ans d'indépendance, l'Algérie a changé à sept reprises sa loi fondamentale, soit une Constitution, nouvelle ou amendée, presque tous les sept ans. Un luxe que même l'une des plus grandes démocraties au monde, les Etats-Unis d'Amérique, ne s'est pas permis! L'actuelle Constitution US est en vigueur depuis 1789! Cela d'autant que cette révision constitutionnelle dictée par la conjoncture régionale marquée par les révoltes arabes, doit répondre à des impératifs issus de ces révoltes, justement. En premier lieu, la nouvelle loi fondamentale algérienne doit se situer au moins au même niveau que celles du Maroc ou de la Tunisie. Cet impératif étant conclu, viennent ensuite les sacro-saints principes des libertés et des droits de l'homme. Les dirigeants algériens ont-ils d'autre choix que celui de s'inscrire dans cette dynamique mondiale? Les temps ont changé et les pays qui bafouent les libertés, au sens large du terme, et les droits de l'homme sont rangés aux «strapontins» de l'Humanité. Le législateur algérien est également tenu par l'exigence de consacrer l'alternance au pouvoir par la limitation des mandats à deux et probablement à une durée de cinq années. L'autre question de fond que les observateurs veulent voir consacrée par la prochaine loi fondamentale est la séparation des pouvoirs, ou plus précisément, l'indépendance de la justice de manière à consacrer réellement un Etat de droit. Accusée actuellement d'être un appendice du pouvoir exécutif, Dame justice gagnerait beaucoup à s'en séparer pour servir le peuple et non pas appliquer les décisions prises en haut, au nom de ce même peuple. Les observateurs n'excluent pas également de voir un article dans cette Constitution qui réprime avec la plus grande sévérité l'atteinte aux biens et au patrimoine de l'Etat dans sa plus large acceptation. Il serait même question du nom de l'Algérie. Par son appellation «République algérienne démocratique et populaire», il y a en filigrane cette volonté de se distinguer des démocraties libérales de l'Europe occidentale. Une Europe d'où étaient issues les puissances colonisatrices. Inerte, figée, l'Algérie est restée 50 ans plus tard, parmi les rares pays au monde à garder cette appellation -démocratique et populaire-, avec la Corée du Nord et la Chine (si on excepte la Syrie, l'Irak et l'Egypte). Il convient alors de poser la question: faut-il changer d'appellation pour l'Algérie en ôtant ce terme «populaire» qui charrie une connotation d'une autre époque? Ou faut-il au contraire la garder? Que les spécialiste chargés de la révision de cette Constitution nous le disent. Qu'ils expliquent leur choix au peuple algérien.