La grande joie pour les familles relogées Ces habitants n'ont pas cessé de rêver du gaz de ville, de l'eau potable dans les robinets et l'électricité. Les opérations de la prise en charge des familles occupant les bidonvilles se poursuivent à une cadence effrénée ces derniers jours dans la wilaya d'Oran. Hier, près de 600 familles, ayant connu, pendant de longues années, les affres des taudis et des tôles du douar de Chaklaoua (périphérie sud d'Oran) ont été délocalisées vers leurs nouvelles habitations récemment construites dans la localité d'Oued Tlélat. Avec cette nouvelle vague de relogement de plusieurs centaines de familles, la wilaya d'Oran et ses services de l'habitat ont marqué un grand pas dans la prise en charge des familles en mal d'habitation. Dans le sillage de leur recasement, les familles recensées, par les services de l'habitat d'Oran, en 2007 voient enfin leur rêve se concrétiser en bénéficiant d'un logement décent. «Le mythe devient réalité», dira tout content Djamel qui n'a trouvé de refuge que d'élire le douar Chaklaoua. Plusieurs autres familles ont donc fait leurs adieux à la vie rude des taudis et autres tôles en accédant dans leurs nouvelles habitations sous les youyous lancés à gorges déployées. Le wali d'Oran, se faisant tout modeste, n'ira pas par quatre chemins pour dire que «le relogement se poursuivra davantage jusqu'à la prise en charge du dernier occupant des bidonvilles». Il ajoute en affirmant que «l'Etat est plus que mobilisé quant à mettre fin aux bidonvilles et l'habitat précaire». A la faveur des différentes opérations de tous les types de logements attribués, la wilaya d'Oran bouclera cette année le nombre de plus de 8000 familles qui seront relogées dans le cadre de la prise en charge des occupants de l'habitat précaire et ceux du vieux bâti. Ce record, jamais réalisé dans les années passées, «sera atteint d'ici la fin de l'année en cours», dira un cadre de service de l'habitat d'Oran ajoutant que «d'autres opérations sont prévues pour cette fin de l'année». «Durant les deux prochains mois de cette année, plusieurs autres centaines de familles occuperont leurs nouvelles habitations», a-t-on annoncé sur l'ancien site du bidonville de Chaklaoua. Le cimetière américain Les vivants côtoient la mort et les morts! La vie n'offre souvent pas de caprices, du moins pour les occupants des bidonvilles. A Chaklaoua, elle n'était et demeure pas du tout facile. Ce site, baptisé au nom de Chaklaoua est mitoyen du grand cimetière américain ou ont été enterrés les soldats américains tués lors du débarquement, via le port de Mers El Kebir, des forces alliées en 1942 en vue de rallier la Tunisie dans le but d'affronter les forces nazies lors de la Seconde Guerre mondiale. De par sa nature de lieu de sépulture, et malgré son nettoiement et entretien permanent, le cimetière n'a pas du tout fait le bonheur des occupants du douar, en particulier les enfants en bas âge. «Nos enfants tressaillent de peur en passant aux alentours du cimetière», dira Kheira ajoutant qu'«ils tressaillent à la vue de ses centaines de tombes rangées en ordre donnant l'image d'un long parterre où sont allongées des centaines de dépouilles humaines, vu la couleur blanche des tombes tout à fait semblables à celle du linceul». A Chaklaoua, la nuit est synonyme d'une longue attente à l'intérieur des taudis, attente de son tour d'être agressé par ces malfrats faisant des descentes punitives en vue de racketter les familles de leurs biens. «Ces malfrats ont réussi à asseoir leur logique tout à fait semblable à celle des favelas brésiliennes», témoignera Yacine, un jeune étudiant qui a réussi son cursus estudiantin malgré les aléas rudes de la vie à l'intérieur du douar en question. Idem pour la matinée. Aucun des occupants du géant bidonville ne s'aventure tôt le matin ne serait-ce que pour effectuer de petits achats dans les quartiers chauds de Haï Ibn Sina (ex: Petit Lac) ou encore à partir d'El Barki. Le risque de se faire apostropher à l'aide d'armes blanches est imminent. «Ces bandits, venant de partout, ont imposé un véritable couvre-feu à Chaklaoua», se souviendra éternellement Abdelhamid, un autre occupant d'un petit taudis en compagnie de sa petite famille composée de sa femme et de ses deux enfants. Le banditisme fait rage dans ce site Les habitants de Chaklaoua n'ont pas cessé de rêver du gaz de ville, de l'eau dans les robinets et l'électricité. «Pour nous approvisionner en aliments, nous nous retrouvons souvent contraints d'effectuer de longs déplacements pour une petite baguette de pain ou encore un petit sachet de lait», affirme Mohamed. Ce n'est là qu'un petit exemple d'un mal que nous avons vécu pendant plusieurs décennies. Le transport urbain ne dessert pas notre localité hormis les «hacharate» qui appliquent des prix exorbitants aux fins de nous déplacer lorsqu'il s'agit d'une urgence. Les «hacharate» sont constituées de ces petites fourgonnettes dont les chauffeurs exercent le métier de transport clandestin. Le banditisme fait rage dans ce site qui n'est pas du tout couvert sécuritairement vu son aspect de bidonville. «N'était-ce les rondes et patrouilles que les gendarmes et policiers effectuent de temps à autre, les voyous et autres bandits nous auraient arraché et bouffé la peau jusqu'aux os», dira Nasserdine, jeune mécanicien. La couverture sanitaire est inexistante. L'enfant tombant malade la nuit doit attendre la levée du jour afin qu'il soit emmené vers les dispensaires des environs. Qu'il pleuve ou qu'il vente, la vie devient infernale à l'intérieur du douar géant. Le relogement de ces familles s'est inscrit dans la durée alors que les premières opérations de relogement ont été lancées à partir de l'année 2005. Ces lenteurs et retard accusés ne sont pas un fait du hasard. Les services de wilaya en charge de la résolution d'une telle problématique ont contre toute attente été pris dans la tourmente des sempiternels calculs en tentant de faire face à la spéculation. «Nous avons 'tamisé'' tous les registres contenant des familles à reloger», dira un cadre du service de l'habitat de la wilaya d'Oran. Une situation de fait accompli a été instaurée dans le douar! Le mal de ses habitants s'est exacerbé davantage à la faveur de la venue de plusieurs autres centaines de familles, notamment des femmes bousculant les vrais nécessiteux se trouvant dans le besoin extrême d'un logement. Leur installation dans le douar a été imposée par ces videurs des boîtes de nuit et autres chefs de gangs croyant qu'elles seront recensées en vue de les reloger. «Plus jamais de nouveaux occupants de bidonvilles ni de recensement», dira, d'un ton tranchant, un cadre de l'habitat de la wilaya d'Oran. Sur sa lancée, il a ajouté que «le site de Chaklaoua sera démoli et ceinturé par de grandes clôtures dès qu'il sera vidé de ses occupants». Qu'à cela ne tienne. En attendant, la wilaya d'Oran met le paquet dans le but d'atteindre les objectifs qu'elle s'est tracés au début de l'année en cours: reloger prés de 10.000 familles.