Le président Bachar al Assad La politique d'équilibriste à laquelle s'adonne le président Erdogan l'aura conduit d'un partage résolu des objectifs de la coalition internationale et des pays du CCG jusqu'en 2015 à une volte-face spectaculaire en 2016 qui lui a permis de renouer avec Moscou... Alep libérée des griffes du terrorisme, le gouvernement syrien tourne son regard vers Idleb. Bachar al Assad a affirmé hier que l'effort sera constant pour libérer «chaque centimètre carré du territoire», un objectif que lui impose le «soutien populaire» dont il est investi. Ecartant toute tentative de mise en cause de sa légitimité, il a ainsi réclamé le droit de «libérer n'importe quelle zone contrôlée par les terroristes, quels que soient les noms qu'ils se donnent. Qu'ils s'appellent Etat islamique, qu'ils s'appellent al Nosra, qu'ils se disent modérés ou bien Casques blancs (sauveteurs civils attachés aux factions rebelles), nous n'avons que faire des noms», a asséné le président syrien sur la radio RTL. Dans cet entretien accordé à des chaînes françaises à la faveur de la visite à Damas de trois parlementaires des Républicains, Bachar al Assad n'a pas fait dans l'ambiguïté en assénant sa ligne de conduite. «Nous avons pour mission constitutionnelle de libérer chaque centimètre carré du territoire syrien, ça n'est même pas discutable», a -t-il ajouté, avant de balayer les allusions aux «crimes de guerre» dont est accusé le régime syrien. Si on avait fait des choses pareilles, nous n'aurions pas eu de soutien, je ne serais plus président, le gouvernement ne serait plus là. Nous avons pu résister durant toute la guerre parce que nous avons le soutien populaire. Et vous ne pouvez pas avoir le soutien populaire, si vous tuez vos propres citoyens. Donc toute cette histoire ne tient pas debout», a commenté Bachar al Assad. La situation est loin de se décanter, avec le transfert qui se poursuit encore des factions rebelles, dans la région d'Idleb, conformément à l'accord parrainé par la Russie et l'Iran, d'une part, et la Turquie, d'autre part. A cette donne fraîchement apparue, s'ajoute la vieille politique de Washington, Paris, Londres et Riyadh, qui maintiennent leurs conditions selon lesquelles la solution en Syrie passe par le retrait du président Bachar al Assad. Une exigence totalement écartée par Moscou et Téhéran qui ont volé au secours du régime syrien avec des moyens conséquents. Faisant bande à part, la Turquie reste le principal parrain de l'opposition même si elle a revu sa copie en abandonnant la revendication du départ du président syrien. La politique d'équilibriste à laquelle s'adonne le président Erdogan l'aura conduit d'un partage résolu des objectifs de la coalition internationale et des pays du CCG jusqu'en 2015 à une volte-face spectaculaire en 2016 qui lui a permis de renouer avec Moscou et de prendre en charge le devenir des derniers groupes rebelles réfugiés dans le nord-est de la Syrie. Erdogan a ainsi choisi de travailler avec la Russie et l'Iran pour une paix des braves qui reste à conclure fin janvier à Astana, au Kazakhstan. De sorte que la deuxième armée au sein de l'organisation atlantiste (Otan) est aujourd'hui plus proche du meilleur ennemi des puissances occidentales qu'elle ne l'est d'une Union européenne qui souffle depuis de trop nombreuses années le chaud et le froid sur une candidature moribonde. Tout se passe donc comme si Ankara se retrouvait coincée entre les deux blocs de la Guerre froide, sauf que la logique d'hier n'a absolument rien à voir avec celle d'aujourd'hui. Jamais la situation internationale au Proche-Orient n'a été aussi complexe et aussi incertaine. Moscou et Téhéran coopèrent sur la Syrie, mais on ne peut pas dire qu'ils sont cimentés par des liens indéfectibles. En fait, ils sont même concurrents, ne serait-ce qu'au plan énergétique. Et qui sait, les orientations sur le dossier syrien peuvent du jour au lendemain les plonger dans la zizanie. Surtout que l'arrivée de Donald Trump, aux Etats-Unis, avec son programme souverainiste, va obligatoirement entraîner quelques nuages dans les relations atlantistes et dans la vassalité assumée de certains pays européens vis-à-vis de Washington. On le voit, la donne est on ne peut plus incertaine et les changements impromptus de position multiples. Qui aurait prévu en septembre 2015 que la Russie s'engagerait aussi puissamment en Syrie et qu'elle parviendrait à sauver une situation désespérée? Et qui aurait parié sa chemise sur un Erdogan tournant le dos à la coalition pour marcher main dans la main avec Poutine? Ce ne seront donc pas les surprises qui vont manquer au cours des mois qui viennent, alors même que le manque de visibilité des stratégies de la plupart des pays engagés dans la crise syrienne risque de s'enfoncer dans un brouillard encore plus dense. Sauf que la grande peur d'Erdogan motive son changement de tactique, contraint et forcé par la montée des périls kurdes à ses frontières irako-syrienne dont il craint, à juste titre, qu'elles ne soient attisées par ses «amis» occidentaux.