La prétendue Armée de l'Islam a déposé armes et bagages avant de quitter Douma Mi-mars, Moscou avait déjà accusé les groupes extrémistes dont Jaïch al Islam de préparer des «provocations» aux armes chimiques dans la Ghouta pour «offrir un prétexte à des frappes de la coalition internationale» menée par les Etats-Unis, y compris contre Damas. Israël a profité de la cabale organisée autour d'une utilisation d'arme chimique dans la Ghouta orientale pour lancer des raids en Syrie. Dans un contexte de plus en plus explosif, des missiles se sont abattus sur l'aéroport militaire T-4, désigné sous le nom de Tiyas, dans la province de Homs,et, selon l'agence Sana qui a d'abord pointé du doigt les Etats-Unis, avant de se rétracter et de désigner Israël, «l'agression israélienne sur l'aéroport du T-4 a été menée par des avions F-15 qui ont lancé huit missiles téléguidés à partir du territoire libanais», sans entrer en territoire syrien, faisant 14 morts et de nombreux blessés. La Russie, alliée du régime syrien face aux rebelles et terroristes, a, de son côté, accusé Israël, le chef de la diplomatie Sergueï Lavrov dénonçant un «développement très dangereux». L'aéroport avait déjà été attaqué en février dernier par l'aviation sioniste qui avait prétexte l'attaque d'un drone depuis une «base iranienne» censée être celle de T-4 et qui avait perdu à cette occasion un appareil F15 et deux pilotes. Paris et Washington sont montés au créneau pour menacer Damas d'une «réponse forte» dont les présidents américain et français auraient convenu lors d'un entretien téléphonique, dans la nuit du dimanche au lundi derniers, tous deux affirmant «avoir confirmé l'utilisation d'armes chimiques» dans la ville de Douma. Mais Washington a rapidement démenti des frappes contre l'aéroport de Tiyas. Une réunion était ainsi prévue, dans la matinée d'hier, au Conseil de sécurité de l'ONU sur cette affaire d'attaque chimique ayant tué selon deux ONG quelque 50 personnes. Mais cette réunion en urgence, réclamée par neuf pays sur les quinze membres de l'instance, a été finalement reportée à 19h00 GMT. Initiée par la France, elle a été fusionnée avec une autre réunion réclamée par la Russie sur les «menaces sur la paix dans le monde». Et la Russie a mis en garde Washington contre une «intervention militaire pour des prétextes fabriqués» en Syrie qui pourraient «mener aux plus lourdes conséquences». Cependant, les spécialistes russes qui ont mené une enquête approfondie à Douma n'ont relevé «aucune trace» de substance chimique, et c'est ce qu'a martelé le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. «Nos spécialistes militaires se sont déjà rendus sur place (...) Ils n'ont découvert aucune trace de chlore ou d'une quelconque substance chimique utilisée contre les civils», a-t-il affirmé au cours d'une conférence de presse, balayant les dires des Casques blancs, un groupe de secouristes proche des insurgés extrémistes, et de Syrian American Medical Society (Sams), affirmations qui n'ont pu à ce jour être authentifiées par des sources indépendantes. Washington et Paris ont agité la menace de nouvelles frappes contre le régime syrien, qui devrait ainsi «payer le prix fort» selon le président américain Donald Trump alors que la Russie et l'Iran réagissaient en parlant d' «intox» des groupes insurgés et de «complot» des puissances occidentales. On se souvient qu'à la mi-mars, Moscou avait déjà accusé les groupes rebelles extrémistes tels que Jaïch al Islam de louvoyer en multipliant le chaud et le froid sur leur départ de la Ghouta, manière de jouer la montre avec des intentions troubles, et de préparer ainsi des «provocations» aux armes chimiques dans la Ghouta orientale pour «offrir un prétexte à des frappes de la coalition internationale» menée par les Etats-Unis en Syrie, y compris contre la capitale Damas. Lavrov n'a pas hésité à évoquer «un développement très dangereux de la situation. J'espère qu'au moins les militaires américains et ceux des pays participant à la coalition menée par les Etats-Unis le comprennent», a dit le MAE russe au lendemain des frappes sionistes dans la région de Homs qui ont coûté la vie, selon un premier bilan, à 14 soldats tués, dont trois officiers syriens et des Iraniens. Tandis que le climat devient de plus en plus lourd dans la région, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (Oiac) a indiqué hier qu'elle mène une enquête sur les informations faisant état d'une attaque chimique sur la ville de Douma, ultime poche rebelle dans la Ghouta orientale. L'Oiac a déjà «effectué une analyse préliminaire des informations sur l'utilisation présumée d'armes chimiques dès leur publication», a d'ailleurs précisé le directeur général de cette organisation, Ahmet Uzumcu qui a ajouté qu' «une équipe d'enquêteurs travaille pour réunir davantage d'éléments afin d' établir si des armes chimiques ont été utilisées». Les experts mandatés par l'Oiac examinent les éléments provenant «de toutes les sources disponibles» et feront part de leurs conclusions aux 192 pays signataires de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques de 1993, selon les propos de M. Uzumcu. Il convient de rappeler que l'organisation n'a à aucun moment mené ses enquêtes sur le territoire syrien comme à Khan Cheikhoun, par exemple, en avril 2017, lorsque les Etats-Unis avaient lancé en guise de «représailles» une cinquantaine de missiles de croisière sur un aérodrome militaire syrien, le détruisant en partie et causant la mort de plusieurs soldats syriens. Pour Damas comme pour Moscou, la manoeuvre est claire. Les groupes radicaux et notamment Jaïch al Islam ont systématiquement recours à ces «démonstrations», chaque fois que les forces armées gouvernementales sont sur le point de les contraindre à la reddition, malgré leur recours systématique aux prises d'otages civils qui leur servent de boucliers humains et aux images bidonnées. Rejoints par Téhéran qui y voit un complot à l'échelle de la coalition, Moscou et Damas se demandent même s'il n'y a pas derrière cette campagne, qui rappelle sur bien des plans celle qui a suivi l'attaque de Khan Cheykhoun, une manoeuvre savamment circonstanciée par des parrains des groupes extrémistes, au risque de nourrir une nouvelle flambée de violences dans leurs propres territoires. Et des parrains, ce n'est pas ce qui manque puisque, après la Turquie qui a vu hier le président Erdogan dire à son homologue russe, le président Poutine, «son inquiétude sur l'attaque de la Ghouta», l'Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït et Bahreïn ont fermement «condamné hier une attaque chimique présumée imputée au régime syrien», la qualifiant d' «atroce». Riyadh a interpellé la communauté internationale pour «assumer sa responsabilité dans la protection des civils en Syrie» tandis que le Qatar a observé que «l'impunité des criminels de guerre avait conduit à de nouvelles atrocités dans le pays en guerre depuis 2011». A croire que l'Arabie saoudite et le Qatar se retrouvent enfin pour dénoncer d'une même voix un terrorisme qui les indigne, tout en feignant ne pas savoir d'où il provient. Il semble que certains pays fortement impliqués dans la guerre contre la Syrie depuis 2011 ont bien du mal à digérer la défaite des groupes extrémistes dont le dernier résidu baptisé Jaïch al Islam a dû, bon gré mal gré, ces dernières quarante-huit heures, quitter la tanière où il se terrait à Douma. Lavrov: l'ingérence de nouveaux acteurs «aggrave» la situation Le ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov a indiqué hier que l'ingérence de nouveaux acteurs dans le conflit en Syrie «aggrave» la situation dans ce pays. «La situation en Syrie devient trop dangereuse, avec l'apparition de nouveaux acteurs que personne n'a invités, qui se sont invités eux-mêmes sous prétexte de lutte contre Daesh (groupe autoproclamé Etat islamique), de lutte antiterroriste», a déclaré, Serguei Lavrov, à l'issue d'une rencontre avec son homologue tadjik Sirodjiddine Aslov. «Puis, à part ces objectifs, d'autres ont fait leur apparition. Ceux que l'on annonce comme ceux que l'on cache soigneusement», a soutenu le chef de la diplomatie russe, cité par l'agence Sputnik. Il a estimé que «contrairement aux intentions annoncées par le président américain Donald Trump d'évacuer les troupes américaines de Syrie, les Etats-Unis cherchent à s'y éterniser». «En fait, ces acteurs, et en premier lieu des membres de la coalition américaine, tout comme les Etats-Unis, n'ont pas l'intention d'en sortir, comme l'a annoncé le président Trump, et de laisser la Syrie aux autres, mais de s'y installer pour très longtemps», a-t-il souligné, ajoutant que les experts convergeaient sur ce point.