En huit mois, le dialogue aurait sûrement abouti et une solution médiane aurait même pu être trouvée. A quoi a donc servi le refus obtus du Camra? Ce qui devait arriver, arriva. La grève du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) a pris fin et plus de 17 000 médecins résidants reprendront aujourd'hui le chemin des hôpitaux, après un débrayage qui aura duré près de huit mois. Ces derniers se sont vus obligés de mettre fin à leur mouvement face à l'intransigeance de la tutelle de ne pas reprendre le dialogue sans un retour au travail, aux études et aux gardes, mais aussi face au risque de se voir exclure après l'ultimatum lancé par le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdelkader Hadjar. Ce dernier a rappelé, il y a quelques jours, aux médecins résidents que la session de rattrapage pour le Dems sera la dernière pour l'année universitaire 2017-2018 et que ceux «qui ne s'y présenteront pas seront considérés en situation d'abandon d'études et par conséquent exclus», ce qui n'est nullement une menace, comme l'a considéré le Camra, mais une suite logique d'une situation d'abandon d'études. Le syndicat qui n'a pas su manager son mouvement de grève en choisissant le jusqu'au-boutisme à la flexibilité qui doit caractériser tout mouvement de grève, a soutenu, dans un communiqué annonçant le gel de son mouvement, que le Collectif demeure mobilisé pour défendre les intérêts pédagogiques et administratifs de ses adhérents «en cette période difficile où les sanctions, les exclusions et les menaces de toutes natures s'acharnent à vouloir saper les fondements de notre solidarité et de notre engagement». Or la tutelle est dans le respect des lois de la République et ne s'inscrit nullement dans une logique de «vengeance» en prenant des sanctions et en proférant des menaces. Le ministère de la Santé a, depuis le début de la crise, appelé les médecins résidents à reprendre leurs postes et leurs études tout en invitant leurs représentants à se mettre autour d'une table de négociations. En huit mois, le dialogue aurait sûrement abouti et une solution médiane aurait même pu être trouvée. A quoi a donc servi le refus obtus du Camra? Juste à augmenter la souffrance des patients et à faire perdre une année d'études aux médecins. Sans plus. Aujourd'hui et face à sa débâcle, le Camra tente de sauver les «meubles». Il tente de ne pas perdre la face en affirmant que le combat continue. «(...) Nous ne courbons pas l'échine et prenons aujourd'hui à témoin l'opinion publique nationale que nous avons fait montre en de nombreuses occasions de notre bonne volonté et de notre disposition sincère à la discussion et au règlement honorable de cette situation de crise». De quelle opinion publique parle le Camra? S'agit-il de cette même opinion qui a affiché son refus de soutenir un mouvement de médecins qui ont choisi de ne pas honorer le serment d'Hippocrate? Car l'inacceptable restera toujours du domaine de l'inacceptable. En observant une grève pendant huit mois, les médecins résidents se sont-ils préoccupés, une seule fois, du fait de combien de malades n'ont pu être sauvés? Ont-ils ressenti la souffrance des patients qui ne trouvent actuellement refuge que dans les prières pour apaiser leurs douleurs. Non. Ces derniers ont foulé aux pieds le serment d'Hippocrate. Et ils continuent d'annoncer dans leur communiqué qu'ils ne renoncent ni à leurs revendications ni à leurs «droits légitimes». Ils parlent de «l'iniquité» qui leur est faite, prenant à témoin «l'Histoire [qui] tôt ou tard leur rendra justice». Et pourtant, refuser d'assurer le service civil reste une revendication irrecevable, qui ne peut exprimer autre chose que le mépris affiché par les médecins résidents envers leurs concitoyens des régions reculées. En fait, en refusant de soigner les citoyens du Sud et des zones enclavées, les médecins résidents pratiquent «l'iniquité» et manquent à leur engagement envers leur patrie qui, faut-il toujours le rappeler, a pris gratuitement à sa charge leur formation pendant 25 ans en leur assurant un enseignement gratuit. Les résidents grévistes ne ressentent pas la dette qu'ils doivent avoir envers le pays. Et c'est à cause de ce manquement à leur devoir que l'opinion publique les a condamnés, considérant que l'Algérie ne peut être fière des enfants qui lui tournent le dos. Une élite, telle une aristocratie, qui ne cherche qu'à s'éloigner des couches populaires. L'attitude irresponsable des médecins résidents a à jamais écorné l'image du médecin.