Qui n'a pas lu «Le fils du pauvre»? A une certaine époque pas lointaine, la réponse à cette question pouvait amplement être «presque aucun» de ceux qui sont allés à l'école. Ceux qui ne l'ont pas lu intégralement en ont lu des extraits puisque le livre est inscrit dans les programmes scolaires. Avec le temps, ce roman est devenu un livre culte presque magique, qui symbolise la quête du savoir de l'enfant du village. Au fil des années, le personnage principal de ce roman, Fouroulou en l'occurrence, est aussi devenu un personnage mythique. Cinquante-huit ans après l'assassinat de Mouloud Feraoun par l'OAS (Organisation Armée Secrète), ce dernier reste largement l'écrivain algérien, voire maghrébin, le plus lu. Ses livres sont aujourd'hui réédités par un grand nombre de maisons d'éditions simultanément, compte tenu de la forte demande que l'on enregistre sur eux. Un auteur de génie Les livres de Feraoun ont été édités dans les années quatre-vingt-dix, d'abord par les éditions Bouchène et actuellement les chefs-d'oeuvre de Mouloud Feraoun sont disponibles sous plusieurs formes et formats aux éditions Enag, Talantikit, La pensée, etc. Le secret du succès impérissable des romans de Mouloud Feraoun réside incontestablement dans le génie de cet auteur hors pair à pouvoir écrire de très beaux textes, tout en usant d'un vocabulaire et d'un style des plus simples, accessibles aux lecteurs de presque tous les niveaux. L'autre aspect qui fait la force de l'oeuvre de Mouloud Feraoun est cette précision déconcertante dans son aptitude à décrire et à dépeindre les moindres détails, le mode de vie quotidien dans les villages de Kabylie. Mouloud Feraoun a écrit sur une époque où la vie sociale était des plus ardues dans les villages algériens, où la faim n'était pas le seul lot quotidien des familles. Il y avait aussi tous les autres maux qui frappaient de plein fouet les gens restées dignes malgré la misère. En dépit de cette mal-vie, on retrouve dans les romans de Mouloud Feraoun ce qui fait la beauté de la vie dont l'amour entre l'homme et la femme, puisque dans les deux romans «La terre et le sang» et «Les chemins qui montent», il est aussi question d'histoire d'amour parfois impossible, comme c'est le cas entre Dahbia et Amer. C'est dans son «Journal» que Mouloud Feraoun parle le plus de la guerre d'indépendance algérienne. Ancré dans sa terre Il y dépeint les moments très difficiles qu'a traversé le peuple algérien, qui s'est battu pour sa libération du joug colonial et de toutes les injustices que ce dernier lui avait infligées depuis 1830. Mouloud Feraoun, dans le même journal, a fait preuve d'une perspicacité et d'une lucidité impressionnante en prédisant même certains aspects de l'avenir qui se dessinait à peine à l'époque. On ne peut pas parler de Mouloud Feraoun sans évoquer le grand poète Si Moh Ou Mhand. Mouloud Feraoun a été l'un des premiers auteurs, après Saïd Boulifa, à avoir consacré un livre à Si Mohand Ou Mhand en collectant des poèmes de ce barde qu'il a traduits en langue française. Cinquante-huit ans après la disparition physique de Mouloud Feraoun, on déplore que seulement deux de ses livres ont été traduits en langue amazighe: «Jours de Kabylie» et «Le fils du pauvre». à quand «La terre et le sang», «Les chemins qui montent» et «Journal» en langue kabyle? A.M.