Le rappel de Ramtane Lamamra aux affaires, le 7 juillet dernier, a été salué par les observateurs des relations internationales, comme un choix judicieux du président Tebboune, au moment où les enjeux géopolitiques exigent, en effet, un grand gabarit à ce poste. Pur produit de l'école de la diplomatie algérienne, qui a enfanté des ministres des Affaires étrangères de talent, Lamamra, 69 ans est un énarque, polyglotte et polyvalent. Des atouts indispensables pour gérer ce portefeuille sensible. Immédiatement après sa nomination, Lamamra démarre sur les chapeaux de roue, muni d'un plan de vol que lui a tracé le chef de l'Etat: replacer l'Algérie dans le jeu de la coopération régionale et internationale. Il effectue plusieurs déplacements en Afrique et en Europe, et restructure le ministère des Affaires étrangères. Il organise une réunion sur la sécurité dans le Sahel et une autre sur la crise libyenne, tout en annonçant un sommet sur la Palestine et la réunion de la Ligue arabe, en mars prochain, à Alger. Cette démarche a été appuyée par une volonté sans faille du chef de l'Etat, qui entend faire du levier diplomatique, un axe majeur de sa politique à l'internationale. Le cas marocain À en croire l'entourage du président, le déclic a eu lieu à son retour du 33e Sommet de l'UA à Addis-Abeba, en février 2020. Le président, Abdelmadjid Tebboune, a fait un double constat. Il a d'abord saisi le véritable poids que représente l'Algérie dans les fora internationaux. Le deuxième constat lui a fait toucher du doigt l'ampleur des dégâts de l'éclipse algérienne! 20 ans d'éclipse, une éternité pour un pays de la dimension de l'Algérie. Abdelmadjid Tebboune a déployé un véritable «commando» par la création de postes d'envoyés spéciaux, chargés de conduire l'action internationale de l'Algérie, sous l'autorité directe du ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l'étranger. Ces actions sont ponctuées par une gestion rigoureuse de dossiers chauds, où l'Algérie a affirmé avec plus de poigne ses ambitions politiques. L'Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc, le 24 août, dernier, épisode d'une longue série de provocations, allant crescendo de la part du Makhzen. C'est peu dire que le voisin de l'Ouest avait un comportement franchement belliciste. Fin de la brouille avec la France Après avoir porté atteinte à l'unité nationale de l'Algérie, il invite l'entité sioniste sur son territoire, dans le cadre d'une normalisation et lui permet de s'attaquer à l'Algérie, un fait qui n'a jamais été enregistré depuis 1948! Le Makhzen pousse plus loin et va jusqu'à signer des accords militaires avec cette même entité sioniste, après avoir demandé son intégration dans les instances de l'UA. Déployant ses talents diplomatiques, l'Algérie a bloqué la démarche marocaine. Et au moment où les sionistes paradaient à Rabat, l'Algérie invite le président de l'Autorité palestinienne à Alger et annonce la réunion de toutes les factions palestiniennes à Alger. La normalisation des relations avec Israël permettra-t-elle au Maroc de réaliser ses ambitions perdues? Pas si sûr, puisque l'incursion de l'entité sioniste au Maghreb est très mal perçue par la France, ancienne puissance coloniale, et qui fait de cet espace sa chasse gardée. Par-delà cet échec, le Maroc se découvre très amoindri face à une Algérie qui a déjà déplacé le curseur géopolitique au- delà de l'espace maghrébin, puisque son ambition n'est plus d'être leader au Maghreb, mais en Afrique. Dans sa brouille avec la France, l'Algérie était intransigeante sur le respect de sa souveraineté, notamment après les graves déclarations du président Macron qui a qualifié, en septembre dernier, les dirigeants algériens comme faisant partie d'un système «politico-militaire» qui entretient une «rente mémorielle» autour de la guerre d'indépendance. Intraitable, Tebboune a conditionné le «retour à la normale» des relations avec la France, par «un respect total de l'Etat algérien». L'initiative est venue de l'Etat français, sachant que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, est arrivé, mercredi 8 décembre, à Alger, dans l'espoir de remettre à plat les «incompréhensions» qui ont gravement affecté la relation entre les deux pays. L'Algérie s'attache viscéralement aux principes qui ont toujours guidé sa politique étrangère, à savoir la non- ingérence dans les affaires des pays tiers et le droit des peuples à l'autodétermination. Autant pour les causes palestinienne et du Sahara occidental, l'Algérie ne ménagera aucun effort à prêter main-forte aux voisins maliens et libyens, sans compter son union sacrée avec la Tunisie. Rien que la semaine dernière, plusieurs avions chargés de denrées alimentaires et de médicaments ont atterri à Bamako. L'opération s'est déroulée sans fracas médiatique ni trompette de flagornerie, pour ne pas pervertir un acte sincère de solidarité, à laquelle a toujours appelé l'Algérie.