En accusant Alger d'avoir refusé d'accueillir les six Algériens «déportés» vers Guantanamo, Sarajevo omet de signaler qu'il a passé un pacte secret avec Washington. Ce pacte consiste, selon les révélations du journal Bosniaque Nisavesni Novini, en la capture et la livraison par les forces américaines stationnées dans les Balkans, dans le cadre des forces de maintien de la paix de l'Ifor de l'ancien commandant des forces serbes de Bosnie, Radovan Karadzic contre la livraison des six terroristes de nationalité bosniaque et originaires d'Algérie. Le deal passé entre Sarajevo et Washington consiste en une capture de l'ancien militaire serbe, qui a dirigé les forces armées serbes en Bosnie entre 1991 et 1995 qui, hasard des circonstances, a été repéré par les services d'écoute de la CIA deux années après l'émission d'un mandat d'arrêt par le Tribunal international de La Haye pour «crimes de guerre et crimes contre l'humanité». En contrepartie, le gouvernement bosniaque a livré les six terroristes arabes, soupçonnés par le FBI de tentative d'attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Sarajevo pour le compte d'Al-Qaîda. Le marchandage américano-bosniaque n'aurait pas suscité autant de réactions n'étaient les déclarations du ministre bosniaque des Droits de l'Homme, Krishmer Zubec, qui accuse Alger de ne pas avoir accepté d'accueillir «ses» ressortissants. L'argument aurait été valable si ces Algériens n'avaient pas pris depuis plus de cinq années la nationalité bosniaque. Alger n'a, de ce fait, pas répondu aux sollicitations de Sarajevo pour le seul fait que la justice bosniaque a eu à juger des citoyens de son pays. l'Algérie n'est, de ce fait, en rien, concernée par leur sort. L'une des lectures qui ayant la préférence de certains observateurs, a trait au fait que le gouvernement bosniaque a agi de la sorte pour absorber la colère de la communauté arabo-islamique de Bosnie. Cette dernière se sent trahie par les Bosniaques après des années de guerre au cours desquelles elle a pris part à leurs côtés contre les Serbes. Ce sentiment a d'ailleurs été explicitement exprimé lors de manifestations sans précédent. Une escalade qui a engendré l'attentat contre le Commissariat aux réfugiés à Sarajevo perpétré hier. Par ailleurs, les Bosniaques d'origine arabe accusent les autorités de leur pays de manquer de courage politique pour juger les suspects par la justice locale. Ce constat ne concerne pas uniquement la Bosnie, mais il est ressenti dans les quatre coins du monde. Dès que les Américains suspectent une personne dans tel ou tel pays, les gouvernements se réfèrent systématiquement aux origines de la personne concernée. Le fait que la plupart des terroristes arrêtés soit de nationalité souvent européenne a toujours été mis sous silence. Plusieurs Etats européens désignent les personnes recherchées par les Etats-Unis par leur nationalité d'origine et non pas, par celle qui leur a été facilement accordée, dans le passé.