Saddam a été remis à ses bourreaux, trois heures seulement avant son exécution, selon Bentoumi. L'association Machaâl Echahid et le journal El Moudjahid ont organisé, hier, une journée de deuil pour l'ancien président irakien, Saddam Hussein. L'oraison funèbre a été prononcée par l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri. Ce dernier n'est pas allé par quatre chemins pour faire porter l'entière responsabilité aux Américains, rappelant que Saddam a été exécuté pour avoir refusé de courber l'échine. Selon Mehri, «la décision de l'exécution est américaine et le choix de la date est aussi américain; la décision a été prise suite à une rencontre entre le gouvernement irakien et les Américains». L'avocat, Amar Bentoumi, révèle de son côté, que «Saddam a été remis à ses bourreaux, trois heures seulement avant son exécution». Bentoumi, qui a fait partie du collectif des avocats de Saddam, a tenté de faire un rappel des conditions dans lesquelles s'est déroulé le procès. Bremer avait gelé le code pénal, a pondu une Constitution et créé une cour spéciale pour juger Saddam, en contradiction de l'article2 de la Charte de Genève et au droit irakien. «Lors de son arrestation en décembre 2003, les Américains l'ont qualifié de prisonnier de guerre. Me Vergès a reçu une lettre de Barzane Tikriti, neveu de Saddam, lui demandant de se constituer. Dès lors, nous avons entamé une campagne de sensibilisation de l'opinion publique internationale. Nous avons ensuite envoyé une lettre à la Croix-Rouge internationale (CIR), suivant l'esprit et la lettre de la convention de Genève. La CIR a dépêché un médecin et un émissaire qui se sont entretenus avec Saddam et ont fait leur rapport sur les conditions de sa détention», poursuit Bentoumi. Beaucoup d'avocats de différentes nationalités se sont constitués, dont sept du barreau de Paris. Ils ont déposé plainte au Tribunal pénal international (TPI) contre le Royaume-Uni pour crimes contre l'humanité, «pour la simple raison que ce pays reconnaît le TPI». La fille de Saddam a constitué un autre groupe d'avocats en Jordanie. Ils ont réuni des fonds mais la personne qui a chapeauté l'opération a pris l'argent et s'est évanouie dans la nature. La fille de Saddam a refait une seconde tentative avec la fille de Kadhafi. Elles ont pu réunir des fonds, constituer un nouveau groupe et ramener Ramsey Clark ainsi qu'un avocat du barreau du Qatar. Mais la première décision de la cour spéciale a été d'interdire à Clark de faire sa plaidoirie, n'autorisant que les avocats irakiens constitués d'office à plaider, explique Bentoumi. Deux avocats de ce collectif ont été tués, rappelle-t-il, avant de faire état d'une émission diffusée par Arte qui montrait un agent de la CIA avec un avocat -le frère de Chalabi- où l'agent donnait des instructions sur le plateau de TV à l'avocat, «sans pudeur». Le premier président de la cour a démissionné. Bentoumi souligne que «51% des magistrats irakiens ont refusé la tenue d'un procès sous occupation étrangère, comparativement aux magistrats français en 1941 qui étaient moins de 1% à le faire». Saddam devait être jugé au départ pour 7 affaires différentes mais une seule a été retenue -«la moins grave», précise-t-il- celle de Doudjail qui a fait 148 morts parmi les chiites, suite à une tentative de coup d'Etat avorté. Il cite les affaires d'Anfar, en1987, qui a laissé 180.000 Kurdes morts; celle de Halabja en 1983 avec la mort de 5000 Kurdes; celles de l'invasion du Koweit et des chiites après la première guerre du Golfe. Bentoumi considère que ces procès auraient pu déboucher sur des révélations qui mettraient en cause l'administration américaine. «Parce que dans le cas de Halabja, Donald Rumsfeld est impliqué», indique-t-il, avant de poursuivre: «Un Américain s'est présenté au bureau de Me Vergès à Paris et, sans dire un mot, lui a remis un dossier très accablant, avec photos et documents impliquant l'administration américaine. Ce dossier est bien gardé...Mais l'exécution de Saddam a occulté tous ces dossiers». L'ancien avocat du «collectif du FLN» pendant la guerre de Libération rappelle les conditions dans lesquelles s'est déroulé le procès de Nuremberg qu'il considère «plus clément par rapport au procès de Saddam»; il y a une justice à deux vitesses quand il s'agit de juger des Arabes ou des Occidentaux, même nazis. Enfin, il y a le timing de l'exécution. «A-t-on jamais vu quelqu'un, exécuté le jour de Pâques ou de Noël?», s'interroge-t-il...Le cas Saddam s'achemine comme celui d'un martyr du monde arabe.