Il faut souligner que la pièce rendra goût à tous ceux qui ont perdu l'amour pour le 4e art en Algérie... La représentation de la générale de la pièce de théâtre Al Hakawati Al Akhir (Le Dernier conteur) a eu lieu avant-hier au Théâtre national algérien (TNA), Mahieddine Bachtarzi. Ecrite par l'auteur et dramaturge marocain Abdelkrim Barchid et mise en scène par le Tunisien Al Mounji Benbrahim- assisté par Driss Chagrouni et Abès Mohamed Islam-, la pièce revient sur le vécu du Hakawati (le conteur), campé par Abdelhalim Zribi. Celui-ci revient, non sans nostalgie, aux temps où les conteurs avaient leur place dans la société. C'était bien avant le jour d'aujourd'hui. Et maintenant que les temps ont changé, que l'homme est réduit à une simple marchandise, que la précipitation prime la vitesse. Maintenant que rien n'est plus comme avant, le conteur arrive sur la place publique, sur sa bicyclette, et commence à maudire l'époque où l'être humain est réduit à un simple automate. Mais il n'y avait personne pour l'écouter. Hormis les murs qui, apparemment, même eux sont atteint de surdité profonde, il n'y avait que son écho pour lui tenir compagnie. Où sont ces hommes qui, à une époque, arrivaient en trombe pour former un cercle autour du hakawati? Eux qui écoutent attentivement les histoires venues d'une époque lointaine. C'est de ces gens-là que le conteur entame son récit, ou plutôt ses récits. Dans ses «délires», le hakawati nous raconte l'histoire de quatre hommes. Il y a tout d'abord celle de Chadwan le chanteur (Djamel Guermi) qui relate, avec force détails, sa vie qui change comme un caméléon. Les temps sont difficiles et il faut être encore plus dur qu'un acier trempé pour lui faire face. Justement c'est en choisissant de changer constamment de métier qu'il a su tenir tête à cette vie. Il y a ensuite Harba le chrétien (Ali Djebara) qui, avec son discours satirique assez particulier, fait une analyse détaillée de tous les genres de femmes qui existent sur terre. Mais pour lui, elles ressemblent toutes à une hydre. «Toutes les femmes sont pareilles», ne cesse-t-il de crier haut et fort au risque d'être entendu et lyncher par des «femmes» en furie. La troisième histoire est celle de Maymoun, l'écrivain public (Haydar Ben Hassen). Celui-ci revient sur son dur métier qu'il exerce avec sa fidèle compagne, baptisée Arabiya et qui n'est autre que sa machine à écrire. Durant toute sa vie, on a fait appel à ses services. Si ce n'est pour une lettre d'amour, ça sera pour une demande d'emploi; si ce n'est pas pour une lettre de démission, ça sera pour une lettre suppliant le directeur de l'entreprise de laisser un ex-employé réintégré son poste de travail. Maymoun a vu des vertes et des pas mûres. En subissant les malheurs des uns et des autres, il a fini par y succomber. La quatrième et dernière histoire racontée par Al Hakawati Al Akhir est celle de Tarek le guide touristique (Abbès Mohamed-Islam). Dans ses pérégrinations, Tarek tombe entre les mains d'un groupe de Gitans. On le marie et il devient un des leurs. Mais, une nuit, alors que sa belle-famille se met à chanter, la police débarque et emprisonne le groupe et Tarek avec eux. C'est ainsi qu'il finit par comprendre que les Gitans, en chantant, ne faisaient que revendiquer leur liberté. Dans leur rôle, les comédiens cités ont été assistés par plus de 15 autres comédiens. On cite Fatiha Ourad, Linda Salam, Lamya Boussekine, Yacine Zaydi, Khaled Ghrabi, Amel Minighed... Ils ont tous fait preuve d'un talent extraordinaire. Ils ont su, tout au long des deux heures qu'a duré la pièce, occuper l'espace scénique. Et les décors réalisés par le scénographe Zerrouki Boukhari, étaient simples, certes, mais ils donnent toute sa symbolique à la pièce. La musique, composée par Noubli Fadel, change, à juste titre, à chaque changement de scènes. Enfin, il faut souligner que la pièce rendra goût à tous ceux qui ont perdu l'amour pour le 4e art en Algérie. Vous n'y croyez pas? Faites un tour au Théâtre national, vous ne le regretterez pas. Vous allez même vouloir y retourner, parce que Al Hakawati Al Akhir n'est pas de ces pièces dont on se lasse.