Drogue, prostitution, travail des mineurs sont devenus des moyens pour gagner sa croûte. Les belles de nuit, courtisanes des insomniaques se disputent les faveurs du client avec les homosexuels qui hantent le silence de la nuit. Oran n'est pas une belle carte postale que s'échinent à vendre les tours operators. Elle n'est pas ce lupanar chanté par les voix du raï. A Oran, on vit les problèmes d'eau, de transport, de promiscuité et de cherté de la vie. A Oran, on tente de voler des bribes de survie à un quotidien de plus en plus difficile. Des femmes et des hommes se battent, usent de stratagèmes et de ruses pour ne pas être broyés par une paupérisation écrasante. La ruche grouillante du matin laisse place à un mouroir le soir. On se noie dans l'anonymat des nuits ténébreuses pour mieux gagner sa survie. Drogue, prostitution, travail des mineurs sont devenus des moyens pour gagner sa croûte. Les belles de nuit, courtisanes des insomniaques se disputent les faveurs du client avec les homosexuels qui hantent le silence de la nuit. On se bat pour une parcelle de trottoir, on se bat pour un mot de travers, on se bat pour un rien, l'essentiel est de s'affirmer, de défendre son espace de misère. Des enfants, tout juste sortis des langes, errent le soir d'un bar à un bouge pour proposer des pochettes parfumées, du chewing-gum, des cigarettes en attendant de devenir les victimes de la nuit oranaise. Vomis par un système éducatif obsolète, ils sont accueillis par la rue qui leur dicte ses lois, qui leur impose son mode de vie. Ces chérubins, échappés à l'autorité parentale, promènent leur spleen dans les rues sombres de la ville. Ils se battent pour mieux s'affirmer dans cette fange de la nuit. Des hommes abattus par des mutations économiques sans état d'âme survivent d'expédients. Chaque soir que Dieu fait, ils se disputent à crocs brandis les poubelles de la ville. Leur misère en bandoulière, ils errent sans but à la recherche d'un hypothétique salut que chasseront les aurores naissantes. Oran, quand elle a soif s'abreuve à la source de ses maux. Oran, quand elle a mal transcende ses douleurs pour ne pas périr de tristesse. Les «houris» de la nuit hantent les rues, hantent les cabarets de la corniche à la recherche d'un Crésus qui leur volera la vedette entre deux complaintes de cheb Abdou. Hay aaliya ki endir, semblent se dire des clients et des prostituées qui se regardent en chiens de faïence. Elles se fardent pour gommer les stigmates du temps, les stigmates de la misère. Elles se fardent pour mieux ferrer le pigeon. Elles se fardent pour ne pas rentrer bredouilles quand les dernières notes du «synthé» signifieront le départ. Les belles de la nuit ne voudraient pas être Barbie qu'on se transmet à coups de dinars. Elles voudraient être ces mères de famille que le fourneau occupe chaque jour que Dieu fait. Elles voudraient être ces femmes qui langent, qui bordent, qui chantent la berceuse et qui se lovent le soir dans la douceur et la sérénité du foyer familial. Elles le voudraient bien, mais que peuvent-elles bien faire dans un environnement hostile, dans une atmosphère viciée par de nouvelles règles sociales qui ne pardonnent pas. Les rues de la ville se font étau pour presser à n'en plus pouvoir les mal-aimés de Morphée. Les rues de la ville ne laissent transparaître aucun répit pour ces âmes qui voguent au gré de leur oisiveté, de leur misère. Et quand le muezzin annonce le matin naissant, ils rangent leur présent, se pressent pour rentrer avant de revenir le soir arpenter les mêmes rues et se gargariser des mêmes chimères. Oran souffre comme les autres contrées de cette belle Algérie. Elle survit en se voilant la face pour ne pas sombrer dans le tumulte d'un millénaire qui avance inexorablement charriant sur son passage un avenir encore incertain et qui reste à dessiner.