Présent malgré le poids des ans et les problèmes de santé, Taleb Rabah, un des pionniers de la musique et de la chanson kabyles, a marqué l'évènement par sa présence, à l'occasion du premier hommage rendu en son honneur par les organisateurs de la rencontre. Rencontré en marge du festival, Taleb Rabah a bien voulu repondre modestement et très sereinement à nos questions. L'Expression: Tout d'abord, votre sentiment d'être présent à ce festival et un mot sur cette manifestation culturelle? Taleb Rabah: Cette initiative est plus que louable. Institutionnaliser un festival de la musique et de la chanson kabyles est une formidable chose que peut avoir un genre de musique. C'est une étape de l'année où l'on doit faire un bilan et tracer des buts, des objectifs et des perspectives. Quel sentiment éprouvez-vous après cet hommage qui vous a été rendu? Ma joie est immense et je ne peux pas l'exprimer, moi qui ai connu plusieurs états d'esprit dans ma carrière. Je peux vous certifier que c'est un hommage qui me va droit au coeur. Après une longue carrière, quel est votre regard sur la vie et le monde artistique? La vie est une pièce théâtrale où chacun joue ou essaie de jouer son rôle, Parfois bien, parfois mal. Y a ceux qui se retrouvent sur le bon chemin, continuent pour faire carrière et d'autres changent de vocations après un passage ou une expérience qu'ils évaluent à leur manière. Quel est votre regard sur la chanson kabyle à l'heure actuelle? Même si elle connaît un chamboulement sans précédent, faute de repères et d'inspiration réelle, la chanson kabyle est menée par des genres et des chanteurs propres à cette période, chaque temps a ses aspects, ses moeurs et ses repères. Je pense que ce festival est bien tombé pour passer au volet qualitatif. Et si on vous demande de faire une comparaison avec votre génération à travers ceux qui font des reprises? Comme je viens de le dire, chaque période a ses propres repères et ses moeurs. Notre période a toujours été difficile, avec le colonialisme, la misère et autres péripéties de la vie. Le chanteur avait été forgé par le vécu et le «visu» réels. Donc, par voie de conséquence, l'inspiration était plus facile. L'artiste chantait et exprimait ses sentiments. L'histoire des reprises des chansons je la vois sur deux volets. D'une part, ce n'est pas bon car ça tue l'esprit de créativité. L'artiste dans tous les domaines doit faire preuve de son talent. D'autre part, reprendre une chanson pour rendre un hommage afin de se rappeler et de faire parler d'un chanteur c'est encore honorable, mais ça ne doit pas être dominant et être utilisé à des fins autres qu'artistiques. Sinon par respect, il est souhaitable de demander l'avis du propriétaire. Quels sont les chanteurs qui vous ont marqué dans votre vie? J'ai aimé tous les chanteurs, mais j'ai des penchants pour Hadj M'hamed El Anka, Chikh El Hasnaoui, Slimane Azem, Farid El Atrach, entre autres. La musique et l'art en général n'ont pas de frontière. Dans ma vie de chanteur, j'ai écouté presque tous les genres musicaux. Quel message voulez-vous transmettre à cette nouvelle génération de chanteurs et aux tenants du monde culturel? Tout d'abord, je leur souhaite bon courage et beaucoup de réussite dans leur carrière. La nouvelle génération doit prendre le relais et continuer sur le bon chemin de l'art. Désormais, ils doivent reprendre le flambeau et le porter à bon port. Pour une bonne formation, il faut des écoles et des conservatoires, à l'instar de l'institut de Kouba et de Batna, et pourquoi pas dans chaque wilaya. Produire en quantité est une étape nécessaire, mais il faut s'attaquer au volet qualitatif pour se mesurer à ce qui se fait dans le monde.