Le discours prononcé par le président Bouteflika à l'occasion de sa réintronisation à la tête de l'Etat augure-t-il de jours meilleurs pour la presse algérienne en butte depuis des années à toutes sortes de pressions visant à la museler ? En exposant les grandes lignes de son programme d'action pour le prochain quinquennat, le chef de l'Etat s'est rappelé, à la surprise générale, du “rôle important” que doivent jouer les journalistes dans la lutte contre les grands maux qui rongent la société algérienne, en particulier la corruption. Les observateurs n'ont pas manqué de relever ces louanges appuyées adressées par l'orateur à la presse nationale qui n'a eu de cesse de se battre depuis 1999 pour sauvegarder son autonomie des tentatives de vassalisation. Le Président réélu l'invite à l'aider à combattre la corruption, un phénomène qui a pris une ampleur sans précédent ces dernières années. A-t-il finalement découvert que la presse pouvait jouer un rôle essentiel dans la dénonciation de la déliquescence des pratiques politiques et économiques ? “La liberté de la presse, qui participe essentiellement de notre projet démocratique, sera pleinement respectée”. Le choix des mots ne pouvait être fortuit, et l'on ne peut qu'apprécier le ton et l'insistance avec lesquels le tout est servi, notamment l'utilisation de l'adverbe “pleinement”. Y a-t-il quelque chose qui aurait changé dans la perception de Bouteflika de ce que représente la presse dans la vie d'une nation ? Aurait-il finalement été convaincu par son entourage d'adopter à l'égard de la corporation une attitude moins “conflictuelle” et plus amicale ? S'agit-il d'une conviction profonde, d'un engagement de la part du Président à s'appuyer réellement sur, pour mener ce combat qui ronge les institutions, ou bien de simples paroles de circonstance ? Ceci dit, l'on ne peut préjuger de rien. Peut-être que certains observateurs diront qu'il ne serait pas possible qu'un homme politique de l'envergure d'un Bouteflika de changer d'avis sur un tel dossier du jour au lendemain. La corporation n'oubliera pas de si tôt ses charges et sa suspicion à l'égard de la presse, alors qu'il n'avait pas accédé encore à la magistrature suprême. C'était lors de la campagne électorale de la présidentielle de 1999. Durant les dix années de son règne, la corporation a bien apprécié la politique de mise au pas que les gouvernements successifs ont trouvé un malin plaisir à appliquer avec tout le zèle. Mais quelles garanties offre-t-il en tant que premier magistrat du pays à cette presse pour s'investir pleinement dans cette mission ? Pour le moment, rien que les tribunaux et la prison. Quiconque ose dénoncer la corruption, la malversation, l'escroquerie et tous les maux qui s'y rattachent s'attend à des poursuites judiciaires interminables. Et cela à la faveur du scélérat code pénal qui pénalise le délit de presse. Le président Bouteflika assure que l'Etat reste “déterminé à agir pour faciliter davantage encore, et à tous les égards, l'exercice et le développement de la profession”. Un tel engagement ne peut se concrétiser qu'à travers un geste fort à l'égard de la corporation : l'abrogation des articles instituant la pénalisation du délit de presse. Hamid Saidani