Mais qu'a-t-on prévu au niveau réglementaire contre les réseaux de passeurs qui sont à l'origine du phénomène et qui exploitent la détresse de la jeunesse algérienne pour se remplir les poches ? Il aura fallu que le beau temps se réinstalle pour que le phénomène des harragas reprenne de plus belle. Pas moins de six tentatives ont été avortées par les gardes-côtes en moins de dix jours à l'extrême est du pays. En tout, 106 jeunes qui tentaient de rejoindre la rive de l'autre côté de la Méditerranée ont été empêchés par les gardes-côtes de prendre le grand large. Mais combien d'autres ont-ils pu échapper aux mailles du filet et sont allés à la recherche de ce rêve insaisissable de paradis occidental ? La poursuite du phénomène démontre au moins une chose : la pénalisation de l'émigration clandestine préconisée par les autorités comme solution miracle n'a pas et ne peut empêcher des jeunes sans perspectives dans le pays de tenter l'aventure, aussi suicidaire soit-elle, à la recherche d'un avenir meilleur. Retranchés derrière leur train de vie qui s'est nettement amélioré grâce au confort qu'offre la condition de député, les membres de l'Assemblée nationale avaient adopté l'amendement proposé par le gouvernement au code pénal afin de prévoir, dorénavant, une peine allant de 2 à 6 mois d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 à 60 000 DA contre les personnes qui tentent de quitter de manière illégale le territoire national. Une manière de faire pourtant dénoncée par l'opinion et même par le président de la Commission consultative des droits de l'homme, Farouk Ksentini. “La condamnation d'un émigrant clandestin ne constitue pas une solution au phénomène”, avait estimé ce dernier, plaidant pour “la consolidation des droits sociaux des citoyens”. Pour lui, “la solution est tout indiquée, il faut plutôt fournir davantage d'efforts pour la création d'emplois et fixer les jeunes chômeurs dans leur pays”. “C'est inacceptable, voire même abominable d'infliger des sanctions sévères à ces jeunes poussés à de tels actes par le besoin d'améliorer leur situation sociale !” s'était élevé, pour sa part, Me Miloud Brahimi. Tous les observateurs s'accordent à dire que la pénalisation de la tentative d'émigration clandestine ne pouvait constituer une solution à un phénomène dont les causes sont strictement d'ordre social. Et en sus, qui peut empêcher un jeune complètement désespéré par sa condition économique et sociale à essayer de s'en sortir, quitte à passer par les chemins les plus périlleux pour sa vie ? Les faits relevés durant la semaine dernière, où des dizaines de personnes, dont un mineur, ont été interpellées par l'armée alors qu'elles étaient déjà en pleine mer, viennent rappeler à nos responsables que même les solutions les plus répressives ne peuvent dissuader nos jeunes de tenter l'impossible pour s'en sortir. Beaucoup d'observateurs ont, en effet, trouvé stupide la pénalisation d'une tentative de harga. Mais qu'a-t-on prévu au niveau réglementaire pour les réseaux de passeurs qui sont à l'origine du phénomène et qui exploitent la détresse de la jeunesse algérienne pour se remplir les poches ? Les nombreuses arrestations de groupes de harragas ne devraient-elles pas donner lieu à des enquêtes poussées pour tenter de remonter ces filières criminelles ? Il faut dire que, jusqu'ici, rares ont été les personnes impliquées dans l'organisation de ces passes qui ont été arrêtées. Quant aux gros bonnets qui se cachent derrière ce très lucratif filon, ils ne sont pas près d'être inquiétés puisque l'activité a repris fortement sur les côtes bônoises et d'El-Tarf.